Venons-en maintenant à une notion dont
l’omniprésence dans la conversation civique contemporaine n’a d’égale que son
obscurité : l’estime de soi, ou le respect de soi, ou encore « la
dignité », pour reprendre le terme le plus couramment utilisé. L’obscurité
du terme permet de le mettre à toutes les sauces et d’en faire un argument pour
les causes les plus contradictoires. Par exemple, on dira qu’avoir un travail
est essentiel pour notre dignité personnelle, mais d’un autre côté on dira
aussi qu’être obligé d’accepter certains emplois, par exemple lorsque l’on
perçoit des allocations chômages, est une atteinte à cette même dignité.
Cela étant dit, il n’est pas niable que l’estime
de soi-même soit un des besoins fondamentaux de l’être humain : à la
différence des autres animaux, l’homme a de l’amour-propre, une fierté dont les
exigences et les manifestations sont au cœur d’à peu près tout ce qui est
proprement humain. Et, assurément, les personnes dont la fierté est gravement
blessée peuvent difficilement être heureuses. Le problème est alors d’essayer
de donner un contenu un peu plus défini à cette « dignité », puis de
chercher en quoi l’action des pouvoirs publics pourrait affecter cette
« dignité ».
Habituellement, le terme « dignité » est
employé dans le débat public comme un synonyme de « être content de
soi-même », et comme un antonyme de « se sentir humilié ». Mais
il est assez évident que les sentiments de chacun ne peuvent pas constituer une
bonne mesure de sa « dignité », sous peine de tomber dans les abus
les plus grossiers et les contradictions les plus flagrantes. Il nous faut donc
inévitablement distinguer entre une estime de soi méritée, objectivement
méritée, et une estime de soi imméritée – et à l’inverse entre les humiliations
illégitimes et les humiliations méritées car, oui, en certaines circonstances
se sentir humilié est la réaction humaine et appropriée. Le préalable
indispensable à toute tentative de s’améliorer ou de se corriger. Nous ne
devons pas oublier à ce propos la profonde boutade de Mark Twain : « Man is the only animal that blushes. Or
needs to. »
Ainsi Charles Murray propose de distinguer entre
estime de soi et respect de soi, le premier terme désignant un sentiment purement
subjectif, de sorte que même le pire gredin peut éprouver de l’estime pour
lui-même, et le second terme désignant une condition objective, qui ne peut pas
exister indépendamment de notre comportement et de nos qualités personnelles.
Autrement dit le respect de soi doit se gagner.
Mais qu’est-ce donc qui peut nous donner accès au
respect de nous-même ? Il existe essentiellement deux manières de répondre
à cette question. Se plonger dans les écrits des plus grands auteurs des
siècles passés, méditer en leur compagnie sur la question immémoriale de
l’honneur (car la « dignité » dont nous faisons si grand cas n’est,
dans le fond, n’est rien d’autre que cette très vieille notion d’honneur,
adaptée aux exigences d’un monde démocratique) et, au terme d’un examen
dialectique des opinions les plus sérieuses à ce sujet, parvenir à une
compréhension plus satisfaisante du phénomène. Ou bien s’appuyer sur les
travaux « scientifiques » en matière de psychologie, c’est-à-dire sur
le type de recherches menées dans les universités occidentales depuis
grosso-modo un siècle. Bien évidemment Charles Murray choisit la seconde
solution, moins sans doute parce qu’il ignorerait ou mépriserait la première
méthode que parce qu’il faut bien parler le langage de son temps et tenir compte
des préjugés de ses contemporains si l’on veut espérer en être entendu. Il met
ainsi en avant la notion de « locus de contrôle » développée dans les
années 1950 par Julian Rotter et qui est ensuite devenue un concept central de
la psychologie « scientifique ».
Disons le tout de suite, « le locus de
contrôle », pour intéressant qu’il soit est un concept extrêmement
grossier par rapport, mettons, à une pièce de Shakespeare centrée sur la
question de l’honneur, et une étude approfondie de Coriolan vaut sans doute bien mieux que toute la littérature
psychologique consacrée au « locus de contrôle ». Mais, pour la
question qui nous occupe, cela n’a guère d’importance, car les résultats des
travaux en psychologie « scientifique » s’accordent essentiellement
avec Shakespeare, ou de manière générale avec les meilleurs esprits des siècles
passés. Nous pouvons donc directement aller à la conclusion sans rentrer dans
les détails de ces travaux. Conclusion qui est la suivante : la condition
minimale du respect de soi-même est d’accepter la responsabilité de nos actes
et de notre propre vie. Le respect de soi est inséparable de la conviction que,
dans ses lignes essentielles, notre vie dépend de nous et de nos propres
efforts. Et il est impossible d’entretenir une telle conviction si, d’une
manière ou d’une autre, nous ne « gagnons » pas notre vie par
nous-mêmes.
Ici des précisions sont nécessaires. « Gagner
sa vie » (earning one’s own way in
the world) n’est pas identique au fait d’avoir un travail salarié. Cela signifie
plutôt : avoir une utilité réelle pour la communauté, rendre, d’une
manière ou d’une autre, ce qui nous a été donné. Ainsi une mère au foyer
« gagne sa vie ». En revanche un riche héritier qui mène une pure vie
de playboy ne « gagne pas sa vie », pas plus que celui qui occupe un
placard doré et est payé fort cher à ne rien faire. Et d’ailleurs, quel adulte
de bonne foi, ayant un minimum d’intelligence et d’expérience de la vie,
songerait à envier le sort de ces deux derniers ?
Ces propositions ne souffrent pas vraiment la
controverse, mais leurs implications pour les politiques publiques sont très
importantes. Que le respect de soi soit inextricablement lié avec le fait de
« gagner sa vie » signifie en effet qu’il est impossible de libérer
les individus de la nécessité de subvenir eux-mêmes à leurs besoins, ou à tout
le moins de compenser ce qu’ils reçoivent de ce point de vue, sans en même
temps miner leur respect d’eux-mêmes. Plus largement, cela signifie qu’une
politique publique qui incite les gens à penser qu’ils ne sont pas responsables
de leur existence est une politique publique qui tend à saper une des
conditions essentielles du bonheur. Ainsi, l’obsession actuelle de ne
« stigmatiser » personne apparaît comme particulièrement déplacée.
La possibilité de se respecter soi-même a pour
revers inévitable la possibilité de se mépriser soi-même ; être fier de
soi implique nécessairement de pouvoir avoir honte de soi. En cherchant à
débarrasser de leur caractère honteux certaines situations, comme par exemple
le fait de dépendre de l’aide sociale lorsque l’on pourrait travailler, les
pouvoirs publics ont inévitablement amoindri la fierté légitime qu’il peut y
avoir à se suffire à soi-même, y compris et surtout lorsque les conditions sont
difficiles. Des politiques publiques qui ne « stigmatisent » jamais
personne, même si elles peuvent au départ être animées par des motifs généreux,
sont en réalité des politiques aux conséquences profondément immorales.
Cela ne signifie pas que les politiques publiques
devraient délibérément chercher à faire honte à certains, à peu près pour la
même raison qu’il n’est guère prudent de faire de la dentelle avec des moufles
aux mains. Mais cela signifie en revanche que les politiques publiques
devraient s’abstenir d’interférer avec le mécanisme psychologique naturel par
lequel honte et fierté sont normalement distribuées, par exemple en essayant de
persuader certaines catégories de la population qu’elles sont des victimes
impuissantes aux mains d’un destin qui les emporte irrésistiblement.
Nous en arrivons enfin à la quatrième condition
fondamentale pour la poursuite du bonheur, ce que Maslow appelait
« réalisation de soi » (self-actualisation)
et que Murray préfère nommer les sources de jouissance (enjoyment) c’est-à-dire tout simplement le fait d’avoir des
activités dont nous retirons une satisfaction profonde, à la différence d’un
simple plaisir passager, si intense soit-il.
A première vue ces activités capables de procurer
une satisfaction profonde aux individus sont infiniment variées et la seule
chose qu’il y a à en dire est de gustibus
non est disputandum. Cependant un examen plus approfondi de la question
nous révèlera que, par-delà leur diversité de surface, les activités
profondément satisfaisantes partagent toutes certaines caractéristiques
essentielles – ce qui est d’ailleurs une condition nécessaire pour que le
bonheur puisse avoir un contenu objectif.
Tout comme pour la condition précédente, celle du
respect de soi, il existe deux façons principales de mettre à jour les racines
communes à toutes les sources de jouissance, les raisons pour lesquelles les activités profondément satisfaisantes
sont profondément satisfaisantes. Les écrits des plus grands esprits des
siècles passés, ou le meilleur de la littérature en matière de psychologie
« scientifique ». Et tout comme pour le respect de soi, la
littérature « scientifique » rejoint, dans ses grandes lignes, les
conclusions des plus grands esprits des siècles passés. C’est-à-dire que, comme
le reconnaît Charles Murray, l’intérêt des travaux en matière de psychologie
scientifique ne réside pas dans la nouveauté de ce qu’ils découvrent, mais
simplement dans le fait qu’ils permettent de valider
« scientifiquement » ce que savait déjà, mettons, Aristote.
Qu’est-ce donc que savait Aristote et que
redécouvrent nos modernes psychologues ? Eh bien tout simplement que le
caractère profondément satisfaisant d’une activité est inséparable de son
caractère difficile. Comme le montrent par exemple les travaux de Mihály
Csíkszentmihályi, les moments les plus satisfaisants de notre existence – ce
qu’il appelle le « flow » - sont toujours liés à un défi surmonté,
une difficulté résolue, bref à une certaine forme de travail et de risque, le
risque d’échouer dans ce que l’on a entrepris. Voici par exemple ce qu’il écrit
dans Vivre : la psychologie du bonheur : « Ces grands moments de la vie surviennent quand le corps
ou l’esprit sont utilisés jusqu’à leurs limites dans un effort volontaire en
vue de réaliser quelque chose de difficile et d’important. L’expérience
optimale est donc quelque chose que l’on peut provoquer... Pour chacun, il y a
des milliers de possibilités ou de défis susceptibles de favoriser le
développement de soi (par l’expérience optimale). »
Un petit croquis valant parfois mieux qu’un long
discours, la notion de « flow » peut être représentée graphiquement
de la manière suivante :
Aristote aurait peut-être dit que les êtres
humains, pour être heureux, ont besoin de devenir tout ce qu’ils peuvent être,
de réaliser pleinement leurs capacités innées et que cela ne peut advenir sans
un effort persistant et délibéré de notre part. Les Grecs disaient Ta kala, ta kalepa (« les belles
choses sont difficiles ») et les Romains Nihil boni sine labor (« rien de bien sans travail »), et
la psychologie scientifique moderne vient valider leurs intuitions (ou
peut-être est-ce la psychologie moderne qui prouve sa propre validité en
confirmant la sagesse des Anciens – mais c’est là une autre question).
Les implications de cette (re)découverte pour les
politiques publiques ne sont pas difficiles à concevoir : la difficulté
(surmontable), les défis (réalisables) sont une ressource de base pour
satisfaire le besoin de satisfactions profondes, de la même manière que la
nourriture est une ressource de base pour satisfaire les besoins du corps. Et
si l’une des caractéristiques d’une bonne société est de correctement produire
et distribuer la nourriture, une autre de ses caractéristiques sera de produire
et distribuer correctement les défis. Plus exactement : de même que,
normalement, les individus n’ont nullement besoin d’être encouragés et dirigés
par les pouvoirs publics pour produire et échanger la nourriture dont ils ont
besoin, la vie humaine ordinaire ne manque normalement pas de défis importants
à surmonter sans qu’il soit nécessaire que le gouvernement en crée
artificiellement. Le problème sera donc plutôt de faire en sorte que les
pouvoirs publics n’interviennent pas inconsidérément pour essayer de nous
rendre la vie sans cesse plus facile, car cela reviendrait ultimement à nous la
rendre insatisfaisante. Pour le dire de manière plus directe encore : il
est des difficultés de l’existence que les pouvoirs publics ne devraient pas alléger, quand bien même
ils le pourraient, car surmonter les obstacles peut-être une source de profonde
satisfaction, de même que de respect de soi. Autant dire que la direction
générale de nos politiques publiques – qui visent le plus souvent à assurer
contre les risques, à abaisser les obstacles, à réduire les difficultés – n’est
sans doute pas la bonne.
La discussion au sujet des conditions matérielles
a donc abouti à la conclusion que leur importance est en général très
surestimée dans l’élaboration des politiques publiques. La discussion sur la
sécurité a mis en lumière l’importance d’une action rétributive de la part de
l’appareil judiciaire et policier, ainsi que l’importance de la civilité
publique. Celle sur le respect de soi a conclu à la nécessité de « gagner
sa vie » par soi-même et de se sentir responsable de sa vie. La discussion
sur les activités satisfaisantes, enfin, a montré toute l’importance des
réalisations personnelles, de la difficulté et du risque acceptés et surmontés.
Tout cela est déjà beaucoup, mais cependant pas
encore tout à fait suffisant pour guider notre choix d’un type de gouvernement.
Il faut y ajouter une compréhension plus vaste de la nature humaine. Ce terme,
« nature humaine » ne doit pas faire peur à ceux d’entre nous qui
sont le plus tournés vers la pratique. Toute politique publique, si modeste
soit-elle, comme par exemple organiser le ramassage des ordures, présuppose
nécessairement une certaine compréhension du bien humain, et par conséquent une
certaine idée de ce qu’est l’homme en général, de ses capacités et de ses
besoins, bref une certaine idée de la nature humaine. Simplement, la plupart du
temps, cette idée de la nature humaine reste juste cela : un présupposé
non examiné et qui par conséquent conditionne nos conclusions sans que nous
nous en rendions compte. Il y a quelque avantage, même pour les esprits très
pratiques, à s’arrêter quelques instants pour réfléchir à la conception de
l’homme que présupposent leurs actions.
Charles Murray n’est pas philosophe et ne prétend
pas l’être, aussi emprunte-t-il à d’autres la compréhension de la nature
humaine sur laquelle il s’appuie. De son propre aveu, cette compréhension est
le mieux exprimée par Le Fédéraliste,
le fameux recueil d’articles écrits au moment de la campagne pour la
ratification de la Constitution des Etats-Unis par Alexander Hamilton, John Jay,
et James Madison. Il la résume ainsi : l’homme, lorsqu’il agit en tant que
particulier et qu’il est empêché de recourir à la force est à la fois plein de ressources
et inoffensif ; alors qu’il est à la fois plein de ressources et
dangereux, toujours prêt à s’en prendre aux droits fondamentaux de ses
semblables, lorsqu’il agit en tant qu’autorité publique.
Cette caractérisation de l’anthropologie qui
sous-tend le Fédéraliste n’est pas
fausse, elle pourrait même être suffisante pour le but que poursuit Charles
Murray, mais elle est aussi sommaire, et donc potentiellement trompeuse,
surtout dans le contexte actuel. Une certaine critique, grossière mais persuasive,
du libéralisme s’est en effet propagée, notamment en France. Cette critique
affirme que le libéralisme reposerait sur une « anthropologie de la lassitude »
qui considèrerait l’homme comme irrémédiablement égoïste, préoccupé de sa seule
conservation confortable, incapable de vertu, de dévouement, de générosité ou,
pour reprendre une formule qu’aime à citer un auteur à la mode appartenant à
cette mouvance, « incapable de vrai et de bien ». Il est bien évident que
présenter ainsi le libéralisme suffit pour le rendre peu aimable et pour
entretenir une insatisfaction, d’autant plus forte qu’elle est plus vague,
envers « le système », c’est-à-dire en définitive envers la
démocratie libérale. Il importe donc de rétablir la vérité, et de corriger
Charles Murray, lorsqu’il soutient que les auteurs du Fédéraliste sont fondamentalement « pessimistes » en ce
qui concerne l’homme agissant comme créature politique. Le Fédéraliste n’est pas « pessimiste » au sujet de l’action
politique, il est simplement prudent, ce qui n’est pas tout à fait la même
chose. Pour le dire en peu de mots, les auteurs du Fédéraliste considèrent que les hommes ne sont pas des anges, mais
pas non plus des brutes ou des démons. Ils ne sont nullement « incapables
de vrai et de bien », simplement il serait imprudent d’escompter que des
hommes d’Etat avisés et justes seront toujours à la barre des affaires
publiques, et par conséquent il convient de prendre quelques précautions afin que
les hommes ni avisés ni justes qui, par la force des choses, parviendront de
temps à autre au pouvoir, ne puissent pas faire trop de mal, en attendant que
de meilleurs les remplacent.
Voici par exemple ce qu’écrivait James Madison, le
principal architecte de la Constitution des Etats-Unis, dans le numéro 55 du Fédéraliste : « De même que
l’humanité nous offre un degré de dépravation qui nécessite, jusqu’à un certain
point, la circonspection et la défiance, de même on trouve dans la nature
humaine des qualités qui méritent, dans une certaine mesure, l’estime et la
confiance. Le gouvernement républicain suppose plus qu’aucune autre forme
l’existence de ces qualités. » Et voici encore ce qu’il déclarait devant
la constituante de l’Etat de Virginie : « N’y a-t-il pas de vertu
parmi nous ? S’il n’y en a pas nous sommes dans une situation déplorable.
Aucun contrepoids théorique, aucune forme de gouvernement ne peut nous
affermir. L’hypothèse qu’une certaine forme de gouvernement puisse assurer la
liberté et le bonheur sans aucune vertu dans le peuple est une idée
chimérique. » Rien d’une « anthropologie de la lassitude », on
le voit.
De la même manière, si les auteurs du Fédéraliste se défiaient d’une tendance
inhérente au cœur humain à former des « factions » et à abuser du
pouvoir politique qui vous est confié, ils affirmaient aussi la nécessité
d’établir un gouvernement « énergique » et compétent, sans lequel la
« liberté ordonnée », la seule qui soit désirable, ne saurait
subsister longtemps. Ni « pessimistes », ni libertariennes avant
l’heure, leurs conceptions politiques étaient essentiellement modérées, au sens
noble du terme, et en cela ils rejoignaient aussi bien des philosophes comme
Montesquieu que comme Aristote.
Mais fermons là cette parenthèse et revenons au
thème qui préoccupe Charles Murray : la conception et l’évaluation des
politiques publiques. Ce que peut nous apprendre Le Fédéraliste de ce point de vue-là est tout simplement que les
politiques « d’ingénierie sociale », visant à transformer par fiat administratif les comportements de
vastes groupes sociaux, visant à opérer de manière planifiée et centralisée une
distribution censément plus juste des biens (et pas seulement des richesses),
ont toute chance d’échouer. De telles politiques d’ingénierie sociale supposent
de doter le gouvernement et sa bureaucratie de vastes pouvoirs
discrétionnaires, mais il est à peu près inévitables que de tels pouvoirs
génèrent la constitution de « factions » politiciennes et
bureaucratiques qui chercheront à utiliser les réformes à leur avantage et
ainsi produiront ces « effets inattendus » qui mystifient
systématiquement les concepteurs de ces politiques. Sans même parler de tous
les autres vices humains ordinaires qui, de toute nécessité, sont bien
représentés dans tout groupe un peu nombreux, et donc a fortiori dans une
administration comprenant des milliers, des dizaines de milliers, voire des
centaines de milliers de personnes.
Fort de cette compréhension, nous sommes
maintenant prêts à passer aux exercices pratiques, c'est-à-dire à essayer
d’appliquer notre critère, « la poursuite du bonheur », à quelques
problèmes publics très concrets pour voir en quoi cela pourrait changer notre
manière de les considérer.
Je crois tout cela très vrai et mon expérience personnelle me le confirme : rien de plus satisfaisant que de fournir des efforts en vue d'un but.
RépondreSupprimerCeci étant, je pense aussi qu'on a besoin, pour être heureux, de la vieille vertu d'humilité, chère aux moralistes d'antan. Il faut savoir mettre un frein à son amour propre, ou à son ambition, ou à son orgueil, sans quoi, même avec tous les efforts du monde, on ne peut jamais se tenir pour satisfait : mêmes les résultats conquis de haute lutte ne sont jamais tout à fait à la mesure de ce qu'on espérait, et il y a toujours des gens au-dessus de nous.
En effet Rémi. Comme dirait le bon Aristote (et ma grand-mère), tout est dans le juste milieu. Le but à viser est le bon équilibre entre l'audace et l'humilité. Audace nécessaire pour oser entreprendre, humilité nécessaire pour ne pas s'enorgueillir de ses réalisations plus qu'elles ne le méritent. Pour savoir s'arrêter aussi. Mais comme le juste milieu n'est pas nécessairement au milieu, je dirais que si nous devons errer il me semble que ce devrait plutôt être du côté de l'audace. Tout particulièrement en nos contrées démocratiques, qui tendent à décourager les grandes ambitions.
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