Jeffrey H. Anderson – The masking of America – The Claremont review of books, summer 2021
« Nous ne devrions jamais
revenir complètement à notre société sans masque où seuls les professionnels de
santé en portaient un, car l'utilisation judicieuse des masques continuera à
sauver des vies ». Il ne s'agit pas là de la déclaration marginale d'un
obscur grincheux. C'est le point de vue de deux médecins de l'école de médecine
Mount Sinai de New York, l'une des écoles de médecine les plus prestigieuses du
pays, qui ont écrit une tribune dans le New York Daily News au printemps
dernier.
Maintenant que la pandémie de
COVID-19 est en recul, il peut sembler absurde de proposer de nouvelles
obligations de se masquer en réponse à des menaces virales moins importantes,
voire saisonnières. Mais Julia Carrie Wong, dans le Guardian, rapporte
que de nombreux Américains aiment bien leurs masques. Francesca, professeur de
New York âgée de 46 ans et entièrement vaccinée n'abandonnera pas tout de suite
sa « cape d'invisibilité ». « Cela a été un tel soulagement de
se sentir anonyme », explique-t-elle. C'est comme si j'avais un champ de
force autour de moi qui disait : « Vous ne me voyez pas ». Becca, une
employée de librairie de 25 ans, près de Chicago, rapporte qu'elle et ses
collègues « préfèrent que les clients ne voient pas nos visages »,
car « avec un masque, je n'ai pas à leur sourire ou à m'inquiéter de
garder un visage neutre ». Bob, un retraité de 75 ans, du New Jersey,
affirme que le port du masque le « libère » de l'obligation de « paraître
heureux ». Aimée, une scénariste de 44 ans vivant à Los Angeles, aime la « liberté
émotionnelle » que lui procure le port d'un masque : « C'est presque
comme si on faisait disparaitre le regard masculin ».
Officiellement, le but du port du masque n'est pas de fournir une béquille émotionnelle, mais de prévenir la transmission virale. On a appris à de nombreux Américains à croire que les masques sont efficaces - au moins un peu - et que leur port est un inconvénient mineur. Or c'est pratiquement le contraire qui est vrai. Les meilleures preuves scientifiques invitent à une évaluation beaucoup plus mesurée de l'efficacité des masques que celle colportée par les responsables de la santé publique. Et les avantages sanitaires douteux du port généralisé du masque ont un coût social énorme, qui n'est presque jamais reconnu par ceux qui rédigent et appliquent les directives.
Voir et montrer son visage est un
aspect fondamental de l'existence humaine. Une société qui oublie cette vérité évidente
ne réalisera probablement pas non plus que les personnes sans visage peuvent
faire des sujets dociles mais généralement pas de bons citoyens. (Nous pouvons mettre
à part les cas où les masques sont portés pour des occasions spéciales -
Halloween, Carnaval, les pièces grecques classiques). Le COVID-19 ne sera pas
non plus la dernière fois que les responsables de la santé publique et les gouvernants
nous demandent d'adopter le port du masque. La question est de savoir si les
Américains - et les législateurs qui les représentent le plus étroitement -
prendront conscience des coûts élevés du port du masque avant que cette
nouvelle pratique nocive ne s'incruste dans notre culture.
Par son impact mondial, la
pandémie de COVID-19 a été la pire depuis un siècle. Toutefois, en tant que
menace pour la santé des Américains, elle est plus proche de la grippe de Hong
Kong de 1968 ou de la grippe asiatique de 1957 - dont aucune n'a sensiblement
modifié la vie quotidienne des Américains - que de la grippe espagnole de 1918.
Dans une comparaison directe, le COVID-19 fait ressembler la grippe espagnole à
la peste noire de l'Europe médiévale. Selon les meilleurs chiffres disponibles
auprès du Center for Disease Control and Prevention (CDC) et d'autres
organismes, l'Américain type de moins de 40 ans en 1918 avait 100 fois plus de
chances de mourir de la grippe espagnole que l'Américain type de moins de 40
ans en 2020 de mourir du COVID-19. Alors que le COVID-19 a malheureusement
raccourci la vie de nombreuses personnes âgées déjà en mauvaise santé, la
grippe espagnole a emporté des personnes dans la force de l'âge et laissé des
orphelins dans son sillage.
La réaction des Américains au
COVID-19 a toutefois été radicalement différente de celle qu'ils ont eue en
1968, 1957 ou même 1918. Dans le Wall Street Journal, Niall Ferguson, de
la Hoover Institution, rappelle que le président Dwight Eisenhower avait
demandé au Congrès 2,5 millions de dollars supplémentaires pour le service de
santé publique pendant la grippe asiatique. Au total, le Congrès a autorisé
environ deux millions de fois cette somme pour le COVID-19. En 1957, il n'y a
pas eu de fermetures généralisées d'écoles, d'interdictions de voyager ou
d'obligation de porter un masque. Ferguson cite les souvenirs d'une personne ayant
vécu cette époque : « Pour ceux qui ont grandi dans les années 1930 et
1940, il n'y avait rien d'inhabituel à se trouver menacé par une maladie
contagieuse. Les oreillons, la rougeole, la varicelle et la rubéole balayaient
des écoles et des villes entières ; j'ai eu les quatre..... Nous avons accueilli
la grippe asiatique sans broncher. »
Une différence majeure entre cette
époque et aujourd'hui est le rôle accru des responsables de la santé publique.
Bien avant leur ascension, Socrate avait clairement indiqué dans La
République, de Platon, qu'il ne voulait pas que les médecins gouvernent.
Les philosophes ou même les poètes feraient de meilleurs gouvernants, car ils
tentent au moins de comprendre la vie politique et sociale dans son ensemble et
de s'occuper de l'âme humaine. Les médecins, en revanche, ont tendance à ne pas
tenir compte de l'âme : c'est la nature de leur art de se concentrer sur le
corps et de ne pas tenir compte de préoccupations plus élevées. De plus, les
philosophes et les poètes grecs célébraient le courage face à la mort - le
Socrate de Platon et l'Achille d'Homère ne se détournaient pas de leurs nobles
missions par peur de mourir. Mais le règne des responsables de la santé
publique, sous lequel nous vivons de plus en plus aujourd'hui, encourage une
aversion excessive au risque et transforme presque la lâcheté en vertu.
Les masques chirurgicaux ont été
conçus pour protéger les plaies des patients contre les infections transmises
par le personnel médical, et non pour empêcher la propagation des virus.
Lorsque le COVID-19 a atteint nos côtes, le CDC a d'abord recommandé que la
plupart des Américains ne portent pas de masque. Le 3 avril 2020, le CDC est
brusquement revenu sur cette position. L’Administrateur général de la santé
publique, Jerome Adams, a expliqué que de « nouvelles preuves »
avaient révélé qu' « une partie importante des personnes atteintes du
coronavirus ne présentent pas de symptômes » et « peuvent transmettre
le virus à d'autres personnes avant de présenter des symptômes. »
Cette justification du port du
masque n'était pas tout à fait logique. Selon l'Organisation mondiale de la
santé (OMS), « la transmission potentiellement présymptomatique... est un
facteur majeur de transmission de la grippe. » Pourtant, le CDC ne
recommande pas (encore) aux personnes apparemment en bonne santé de porter des
masques pendant la saison de la grippe. Il est probable que le CDC ait paniqué
en avril et qu'il ait voulu donner l'impression de faire quelque chose. En
outre, les responsables de la santé publique aiment naturellement proposer de
nouvelles politiques en matière de santé publique. C'était l'occasion
d'introduire une pratique qui aurait été auparavant impensable pour les
Américains. Il est vrai que les recherches sur l'efficacité, ou l'absence d'efficacité,
des masques n'avaient pas changé au point de suggérer que les personnes en
bonne santé devraient en porter. Mais pourquoi ergoter sur les preuves
lorsqu’on agit pour une bonne cause ?
Le lendemain du jour où le CDC a
approuvé le port du masque à l'échelle nationale, le président Trump a annoncé
: « A titre personnel, je ne le ferai pas. » À partir de cet instant,
le masque est rapidement devenu un symbole de vertu civique - une sorte de
drapeau Black Lives Matter que l'on pouvait accrocher à son visage. Pour
beaucoup, porter un masque revenait à s’afficher comme triplement vertueux : Je
suis désintéressé ; Je suis favorable à la science ; Je suis
anti-Trump. Mais, incidemment, cela montrait aussi le rejet d’une très
ancienne norme occidentale de comportement, une aversion malsaine au risque,
une volonté naïve de se soumettre à des allégations non étayées en matière de
santé, et une compréhension très pauvre des relations humaines.
Les données scientifiques les
plus fiables pour déterminer si les masques sont efficaces pour arrêter la
transmission des virus proviennent d'essais contrôlés randomisés (ECR), qui ont
presque tous été menés avant le début de la pandémie de COVID-19. Les essais
contrôlés randomisés, dans lesquels les chercheurs répartissent les sujets de
manière aléatoire dans différents groupes et étudient la réaction de ces
groupes à diverses formes de traitement, constituent la référence en matière de
recherche médicale. Ils ont la vertu d’être très difficiles à manipuler pour
les chercheurs qui seraient tentés de produire des résultats conformes à leurs
attentes. Les études dites observationnelles, appelées ainsi parce que les
chercheurs se contentent d'observer les résultats dans des scénarios
préexistants sans pouvoir isoler une cause spécifique de ces résultats,
relèvent autant de la sociologie que de la science médicale. Elles introduisent
davantage de biais et sont beaucoup plus susceptibles d'être politisées.
Quiconque doute que, à l’ère du Covid, il y ait eu beaucoup plus de bénéfices
pour les chercheurs à produire des résultats favorables aux masques que des
résultats défavorables pourrait également être intéressé par une propriété en
bord de mer à Wuhan.
Les essais contrôlés randomisés
n'ont trouvé que peu ou pas de preuves de l'efficacité des masques pour
prévenir la transmission virale, que ce soit de la personne qui les porte aux
autres ou vice versa. En fait, certains résultats significatifs issues d'ECR
indiquent que les masques augmentent la transmission. Une équipe de
chercheurs, dirigée par Raina MacIntyre de l'université de Nouvelle-Galles du
Sud, a expliqué comment les masques pouvaient en fait être contre-productifs : « Le
virus peut survivre à la surface des masques » et « transférer
l'agent pathogène du masque aux mains nues du porteur. »
Obliger les enfants à porter des
masques est particulièrement déraisonnable. Les mineurs sont bien moins aptes à
propager le virus, et les statistiques du CDC montrent que 99,9 % des décès dus
au COVID-19 aux États-Unis concernent des adultes. Peu de spectacles sont plus
ridicules que celui d'écoliers faisant du sport en extérieur en portant des
masques. Les directives de l'OMS sur le port du masque pour les enfants sont
d’ailleurs comiques dans leur invraisemblance : « Avant de mettre le
masque, les enfants doivent se nettoyer les mains... au moins 40 secondes s'ils
utilisent du savon et de l'eau..... Les enfants ne doivent pas toucher l'avant
du masque [ni] le tirer sous le menton..... Après avoir enlevé leur masque, ils
doivent le ranger dans un sac ou un récipient et se nettoyer les mains. » Mais
bien sûr. C'est compris, les enfants ?
Une étude réalisée en 2020 par le
professeur Henning Bundgaard et son équipe au Danemark est le seul ECR qui ait
testé l'efficacité du port du masque contre le COVID-19. Elle a révélé que 1,8
% des participants du groupe portant un masque, et 2,1 % de ceux du groupe
témoin non masqué, ont été infectés par le COVID-19 dans le mois qui a suivi.
Cette différence n'était pas statistiquement significative. L'étude a dû avoir
du mal à être publiée, puisqu'elle est parue des mois après avoir été menée.
Une fois qu'elle a finalement été publiée, Vinay Prasad, médecin à l'Université
de Californie, San Francisco, l'a qualifiée de « bien faite » mais a
noté (de façon critique) que « [d]e nombreuses personnes, sur les réseaux
sociaux, se sont demandées pourquoi un essai qui pourrait diminuer
l'enthousiasme pour les masques... a été publié dans une revue médicale de
premier plan ».
En tentant de justifier ses
directives sur les masques sur son site Web, le CDC s'est appuyé presque
entièrement sur des études observationnelles tout en ignorant soigneusement les
ECR – sauf pour critiquer quelques-unes des plus révélatrices, comme celle de
Bundgaard, qui ne vont pas dans le sens des directives ou les objectifs de
l'agence. Quiconque pense que le CDC est une agence impartiale, politiquement
neutre, qui se consacre uniquement à la recherche de la vérité scientifique,
devrait peut-être prendre en considération les emails découverts récemment qui
prouvent que les syndicats enseignants et l’équipe de Joe Biden ont
effectivement réécrit des sections du guide produit par l’agence pour organiser
le retour des enfants à l'école. Comme tant de dirigeants non élus, les
responsables du CDC considèrent qu'ils ont plus de compte à rendre à leurs
« actionnaires » qu’au peuple américain. C'est bien pourquoi les
Pères Fondateurs ont confié le pouvoir de prendre les décisions politiques –
quelles qu’elles soient - à des législatures élues plutôt qu'à de lointaines
bureaucraties. Pourtant, les assemblées législatives ont été largement absentes
pendant la période du coronavirus, tandis que les responsables de la santé
publique et les membres de l'exécutif se sont délectés de leurs nouveaux
pouvoirs.
Même si les masques
fonctionnaient, que devrions-nous sacrifier pour les porter ? En plus d'être
inesthétiques, les masques sont inconfortables et rendent la respiration plus
difficile. Il n'est pas rare de voir un porteur de masque retirer son masque
juste à temps pour tousser ou éternuer - ce qui est compréhensible, car sinon
le masque devient un mouchoir usagé qui reste collé sur le nez et la bouche.
Les êtres humains sont faits pour sentir le soleil et le vent sur leur visage,
pas un morceau de tissu (potentiellement humide). Même les voiles des femmes
musulmanes sont apparemment plus confortables que les masques. Un professeur de
l'université de York a déclaré à la journaliste scientifique Sandy Ong : « J’ai
très chaud au visage lorsque je porte un masque, alors que ce n'est
généralement pas le cas avec le niqab. »
Mais le confort n'est pas la
seule raison pour laquelle les masques et les voiles heurtent notre
sensibilité. Les Occidentaux, dans le meilleur des cas, reconnaissent que
chaque être humain est unique et possède une valeur intrinsèque. C'est
peut-être en partie pour exprimer cette conviction que nous avons toujours
veillé à la visibilité du visage - la partie du corps qui exprime principalement
les pensées et les sentiments d'une personne. D'autres civilisations accordent
moins de valeur à la liberté individuelle et sont également moins attachées au
républicanisme. Ainsi, le philosophe politique Pierre Manent, abordant les
débats en France sur le port du voile dans les communautés musulmanes, écrit : « C'est
par le visage que chacun se révèle à la fois comme un être humain et comme cet
être humain particulier..... Présenter de manière visible son refus d'être vu
est une agression permanente contre la coexistence humaine. Les Européens n'ont
jamais caché leur visage, sauf celui du bourreau ».
Lorsque nous regardons le visage
de nos semblables, nous avons tendance à traiter en même temps les informations
provenant de l'ensemble du visage. Il va sans dire qu'un masque couvrant les
deux tiers inférieurs du visage perturbe grandement cette opération, ce qui est
préjudiciable aux enfants, en particulier aux bébés. On peut se demander quels
dommages nous avons causés à ceux qui naîtront en 2020 en leur cachant notre
visage au cours de leur première année cruciale. Jay Bhattacharya, professeur
de médecine à Stanford, affirme que « les preuves que le fait de porter un
masque peut nuire aux développement des enfants sont accablantes. »
Tout cela permet de répondre à la
question pétulante que posent si souvent les promoteurs enthousiastes des
masques : mais quel est le problème ? Le problème est très sérieux. Les masques
cachent les visages familiers, les sourires contagieux et les regards
chaleureux qui apportent lumière et couleur à la vie quotidienne. Considérer
cavalièrement cette perte comme négligeable revient à passer par pertes et profits
la chaleur humaine et la sociabilité d'une manière remarquablement insensible.
Dans son étude détaillée des émotions, Charles Darwin a observé que la manière
dont les êtres humains communiquent à l’aide des expressions faciales est une
différence essentielle entre nous et les animaux. Il a écrit un livre entier
sur le sujet, The Expression of the Emotions in Man and Animals (1872).
La communication, selon Darwin, a été « d'une importance capitale pour le
développement de l'homme ». La communication humaine est « grandement
facilitée par les mouvements expressifs du visage et du corps », et le
visage est « le principal siège de l'expression ». Darwin ajoute que
nous percevons immédiatement l'importance des expressions faciales « si
nous devons converser sur un sujet important avec une personne dont le visage
est dissimulé. » Il est intéressant de noter que c'est précisément la
raison pour laquelle le masque attire ses partisans les plus dévoués,
comme ceux cités ci-dessus dans le Guardian : aspirer à porter un masque
signifie aspirer à se retirer de la vie sociale.
En résumé, non seulement les
masques ne fonctionnent apparemment pas comme prévu, mais ils sont également
inconfortables et peu hygiéniques. Ils voilent notre humanité et compromettent
le développement de nos enfants. Ils nous empêchent de percevoir les émotions,
les pensées et les affections des autres, ou de partager les nôtres. Ils
limitent la communication et érodent la compréhension mutuelle. Ils altèrent
profondément les interactions humaines et réduisent considérablement notre
qualité de vie.
Les responsables de la santé
publique ne comprennent rien de tout cela. Ils prétendent que le port du masque
est une action qui est dépourvue coût. Ou peut-être, parce qu'ils ne sont ni
formés ni enclins à considérer la société humaine dans son ensemble, sont-ils
tout simplement aveugles à ces coûts. Leur objectif unique, c'est d’éviter les
risques - étroitement définis comme le risque de tomber malade ou de mourir. Le
risque d'étouffer, d'énerver ou de dévitaliser la société humaine ne fait même
pas partie de leurs calculs. Sous leur influence, l'Amérique a mené une
expérience de port du masque fondée en grande partie sur des affirmations
scientifiques non étayées et sur une compréhension très pauvre de l'existence
humaine. C'est une expérience que nous ne devrions pas répéter.
Excellent article, on peut aussi reprocher au port du masque généralisé son impact écologique, puisque qu'on en retrouve partout dans la nature et dans les océans.
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