Que faites vous lorsque vous n’avez
pas le temps d’écrire le compte-rendu d’un livre ? Vous traduisez le
compte-rendu qu’un autre a déjà publié. Cela vous demande moins de temps et
vous avez l’impression d’avoir fait tout de même un petit quelque chose.
Voici donc le compte-rendu de
When Harry became Sally, un livre consacré à la question des personnes dites « transgenres »,
paru dans la dernière livraison de l’excellente Claremont Review of Books.
Comme le dit très bien l’auteur
de ce compte-rendu, dans un monde normal, ce livre, et beaucoup d’autres du
même genre, n’auraient jamais dû être écrit. De la même manière, dans un monde
normal ce billet de blog, et beaucoup d’autres du même genre n’auraient jamais
dû être écrit.
Mais aujourd’hui les aliénés ont
pris le contrôle de l’asile et menacent d’enfermer les gens sains d’esprit.
Il est donc hélas nécessaire que
ce genre de livre et ce genre de billets de blog soient écrits, et il est
indiqué de les lire, car il faut bien se défendre lorsque l’on est attaqué. Et
ne croyez pas que l’absurdité des prétentions des assaillants soient une garantie
qu’ils vont échouer. Ou plutôt : ils échoueront nécessairement sur le long
terme, mais en attendant que de dégâts ils auront commis, que de vies ils
auront brisées. Mieux vaut qu’ils échouent plus tôt que plus tard.
« Lorsque la grande oraison
funèbre de notre société d’illusions aura été écrite – comme cela arrivera
certainement, parce que la nature humaine ne change pas, et que les réalités
biologiques, de même que la pesanteur ou les phases de la lune, ne sont pas
affectées par ce que nous pouvons dire à leur sujet – il demeurera une grande
quantité d’ouvrages produits par des hommes et des femmes à l’esprit solide qui
n’auraient jamais dû être écrits. Parmi ceux-ci, les ouvrages portant sur la
différence des sexes figureront en bonne place car, au lieu d’employer les
moyens scientifiques et culturels puissants dont nous disposons pour admirer
les beautés de l’un et l’autre sexe, le féminin et le masculin, nous devons
défendre l’idée même qu’il existe des sexes. Nous devons dans le même temps
défendre notre esprit, et celui de nos enfants, contre l’affirmation
incohérente selon laquelle, en dépit du fait que le masculin et le féminin sont
censés être des constructions arbitraires inventées par « la
société » dans une intention mauvaise, il est possible pour une personne
d’être un homme né dans un corps de femme, ou vice-versa, et, qui plus est, il
possible pour un enfant d’avoir conscience dès trois ans de cette mystérieuse
incohérence entre le corps et l’esprit. C’est à peu près comme de dire que
Napoléon n’existe pas, que vous êtes Napoléon et que vous saviez que vous étiez
Napoléon peu après le moment où vous avez cessé de porter des couches.
Ryan Anderson a écrit l’un de ces
livres. When Harry became Sally :
responding to the transgender moment (Lorsque
Harry devint Sally : répondre au moment transgenre) est méticuleusement
documenté, impitoyablement logique, attentif aux besoins et à la confusion des
personnes qui désireraient – ou qui croient qu’elles désireraient – appartenir
à l’autre sexe, et plein des affirmations ahurissantes des activistes et
d’histoires de gens trompés par des médecins bien trop prompts à prescrire des
traitements et à mutiler. Pourtant le livre est plein d’espoir, parce qu’en
réalité le château transgenre est bâti sur du sable, et seule la coercion sociale
imposée d’en haut peut empêcher les gens ordinaires de le remarquer et de déclarer
ce qui est évident. C’est un livre brillant écrit en des temps sombres.
Je me concentrerai sur quatre
erreurs qu’Anderson, qui est chercheur à la Heritage
Foundation et le fondateur du magazine en ligne Public Discourse, dépiste et dont, avec fermeté et modération, il
démontre le caractère creux, illogique, et totalement incompatible avec à la
fois la recherche en biologie et l’expérience ordinaire.
La première est que le sexe
serait « assigné », de manière pour ainsi dire arbitraire, comme s’il
était possible de mettre à l’hôpital un bracelet bleu ou rose aux nouveau-nés
selon l’humeur du moment. Reliée à cette erreur est l’idée que le sexe serait
une réalité superficielle, qu’il consisterait juste en quelques organes situés
en dessous de la ceinture. Mais c’est le contraire qui est vrai : le sexe
est le moyen par lequel les espèces sexuées assurent leur survie :
« Le sexe en tant que statut
– mâle ou femelle – découle de la reconnaissance du fait qu’un corps est
organisé de manière à avoir la capacité de s’engager dans des actes sexuels. Le
sexe n’est pas simplement identifié
sur la base de cette organisation, le sexe n’est un concept cohérent que sur la base de cette organisation. La
différence conceptuelle fondamentale entre un mâle et une femelle est
l’organisation de l’organisme pour la reproduction sexuelle. »
Les sexes sont faits l’un pour
l’autre, dans leur fonction collaborative unique, qui est de mettre au monde de
nouveaux êtres humains. Il n’existe pas de troisième sexe – pas même les
ecclésiastiques, selon la plaisanterie de George Bernard Shaw. Il n’y a pas de
« spectre » de la sexualité (Anderson traite des cas excessivement
rares dans lesquels un défaut génétique a pour conséquence qu’une personne a un
sexe latent ou ambigu ; dire qu’il s’agit là simplement de variations
normales revient à peu près à dire que l’espèce humaine n’est pas
essentiellement bipède parce que certaines personnes naissent avec une seule jambe,
ou pas du tout). « Et ce n’est vraiment pas controversé », écrit
Anderson.
« Le sexe est compris de
cette façon pour toutes les espèces. Personne ne trouve particulièrement
difficile – et encore moins controversé – d’identifier les mâles et les femelles
chez les bovins ou chez les chiens. Les agriculteurs et les éleveurs se
reposent sur cette distinction facile pour gagner leur vie. »
Seul l’être humain peut avoir un
intérêt à travestir la réalité.
Mais, même si c’est le cas, ces
distinctions ne sont-elles pas triviales ? Si elles étaient triviales on
pourrait demander : pourquoi est-il nécessaire de recourir à ces
amputations, à ces prothèses, à cette chirurgie esthétique, à ces
stérilisations, à ces injections d’hormones ? Mais ces distinctions ne sont
pas triviales. Comme le montre Anderson, en s’appuyant sur ce que nous
apprennent la génétique, la physiologie et la neurologie, nous sommes des êtres
sexués jusqu’au fond de nos cellules, et depuis les instructions inscrites dans
le zygote jusque dans chacun de nos organes, y compris le cerveau. Il est
impératif que les médecins et les psychiatres sachent cela. Le métabolisme
normal d’un homme n’est pas celui d’une femme. Les os d’une femme ne sont pas
les mêmes que ceux d’un homme. Les maladies touchent les deux sexes à des taux
différents et de manières différentes et c’est pourquoi, comme le relève
Anderson, les chercheurs en médecine doivent désormais présenter les résultats
de leurs travaux séparément pour chaque sexe. Les chirurgiens le savent également :
le cœur d’une femme est plus petit que celui d’un homme et présente un éventail
de problèmes qui lui sont propres. Les féministes se sont longtemps plaintes
que ce soient les hommes, et non les femmes, qui soient considérés comme les
patients type en matière de médecine. Mais
désormais on nous demande de croire qu’un peu de chirurgie esthétique ou bien
l’injection d’hormones artificielles pourraient magiquement opérer une
transformation complète et fondamentale.
Ce qui m’amène à la seconde
erreur dénoncée par Anderson, l’idée que le « sexe » et le
« genre » seraient indépendants l’un de l’autre. Les féministes prétendent
depuis longtemps que le « sexe » est biologique alors que le
« genre » est social, et puisqu’il est social, il est une simple convention ;
même si désormais, comme le rapporte Anderson, en citant Judith Butler,
certains prétendent que le sexe lui-même est une construction sociale tandis
que le genre, la manière dont vous vous percevez vous-même, est fondamental et
immuable. Ce qui est de la pure folie. Essayez d’appliquer cette théorie à
n’importe lequel de vos systèmes corporels autre que le sexe ; essayez de
prétendre que votre estomac, votre foie, vos reins, vos intestins, et tout le
système d’organes qui sert à convertir la nourriture en énergie et en
nutriments est une construction sociale mais que votre goût pour les œufs
pochés est fixe, inné, et absolu.
Anderson affirme, avec raison,
que notre vie sociale est l’expression de notre être biologique : nous
sommes, biologiquement, le genre de créatures qui forment le genre de sociétés
que nous formons : « Les êtres humains sont des êtres de nature et de
culture, mais une culture saine ne cherche pas à effacer notre nature en tant
qu’êtres corporels et sexués. Elle défend l’intégrité des personnes, en partie
en cultivant les manifestations des différences sexuelles qui correspondent aux
faits biologiques. Elle encourage les expressions genrées qui révèlent et
communiquent la réalité de notre nature sexuée. »
Nous ne pouvons croire qu’il en
va autrement qu’en adoptant ce qu’Anderson appelle « un nouveau
gnosticisme ». C’est-à-dire la croyance que le « moi véritable »
est une sorte de fantôme, qui flotte peut-être un mètre au-dessus de votre tête
et cinquante centimètres sur la droite, et qui utilise le corps comme un simple
instrument pour satisfaire ses désirs. « Mais si une âme a une perception
interne de quelque chose, c’est du corps et par le corps. Les âmes ne sont pas
radicalement séparées des corps ; elles sont le principe qui les informe,
qui les organise, et qui fonde leurs capacités élémentaires. » Je ne peux
pas savoir ce que c’est que d’être une chauve-souris, explique Anderson en
faisant référence au philosophe Thomas Nagel, parce que je ne suis pas une
chauve-souris. Je suis un homme, et par conséquent je ne peux pas savoir ce que
c’est que d’être une femme. Ce que
désire réellement Bruce Jenner c’est que les autres le perçoivent comme une femme ; il se sent en décalage par
rapport à la réalité de son corps, et il demande que les autres éprouvent le
même sentiment que lui. Il n’existe pas davantage de preuves que les personnes
« transgenres » auraient, en tant que groupe, des cerveaux différents
de ceux des personnes de leur propre sexe :
« Il n’existe aucune étude
sur le cerveau concluant à un « pouvoir prédictif » de l’une ou
l’autre des différences biologiques examinées, et cette absence de pouvoir
prédictif est une sérieuse faiblesse pour une théorie scientifique. Il n’existe
donc aucune preuve en faveur des affirmations relayées par certains médias
populaires selon lesquelles des différences biologiques situées dans le cerveau
détermineraient l’identité de genre. »
Par conséquent, pour en venir à
la troisième erreur, il n’existe aucune raison de penser qu’un enfant puisse savoir
quel est son genre « véritable ». Anderson pose cette question sous
une forme ou une autre, encore et encore : « Sur quel autre sujet les
affirmations d’un enfant de deux ans sont-elles considérées comme « pas
moins valides » que celles d’un adulte ou d’un enfant plus
âgé ? » Lorsque nous examinons ce que veut dire un enfant lorsqu’il
prétend qu’il ou elle est « réellement » de l’autre sexe, nous
découvrons soit que l’enfant interprète les choses en fonction d’une
compréhension superficielle, inexpérimentée, de ce que sont les deux sexes,
soit qu’il répond à l’action des adultes – parfois aux mauvais traitements de
la part des adultes. Autrement dit, l’idée qu’un enfant se fait de l’autre sexe
est, pour le coup, « socialement construite » et tend à être superficielle
et pleine d’erreurs.
Quelque fois un garçon, comme le
montre Anderson, a un « niveau d’activité » inhabituellement bas, du
fait de son métabolisme, de son environnement, de son tempérament, et cela peut
le conduire à éviter les bousculades. Il pourra alors, pour un temps, préférer
jouer avec les filles. Cela ne devrait pas inquiéter. C’est en fait dépourvu de
signification, à moins que les autres n’insistent pour que cela en ait
une : ses pairs, en le maltraitant, nos nouveaux et monstrueux apprentis
sorciers, qui font pire et lui disent qu’il est peut-être
« réellement » une fille. Personne ne lui explique qu’il est en train
de passer par un stade, et qu’il finira très probablement par aimer le football
en grandissant. Comme le montre Anderson, de 80 à 95% des enfants souffrant
d’une sérieuse dysphorie de genre guérissent en grandissant : leur esprit
et leur corps se mettent à l’unisson.
Parfois il suffit juste d’un
parent qui montre au garçon – le cas est bien plus fréquent chez les garçons que
chez les filles – que sa nature de petit garçon se manifeste de tout un tas de
manière, et qu’il est donc réellement un garçon après tout. Le garçon qui ne
supporte pas le football a tout lu sur la seconde guerre mondiale. Le garçon
qu’ennuie les récits de guerre aime dessiner des cartes des Etats-Unis. Le
garçon qui ne sait pas dessiner aime passer ses après-midis à bricoler des
machines. Le garçon qui ne s’intéresse pas aux machines se promène dans les
bois avec son chien, en quête de nouvelles choses à découvrir. J’ai parlé avec
un jeune homme qui ne s’intéressait absolument pas aux sports et à ce qu’il
considérait comme typiquement masculin mais qui, dans son maintien, sa manière
de parler, la façon plutôt décidée dont il abordait les autres, était masculin
jusqu’au bout des ongles : il fut cependant surpris, et satisfait, lorsque
je le lui ai dit, et lorsque je lui ai dit que cela était évident.
Cela m’amène à mon dernier point.
Aucune violence faite à la réalité pour des motifs politiques ne peut être
inoffensive, et Anderson montre le mal qui est engendré de beaucoup de manière
et à beaucoup de niveaux. Nous sommes en
présence de ce que n’importe qui ayant tout son bon sens appellerait, et
devrait appeler, de la maltraitance envers les enfants, et à une échelle
colossale. Nous sommes en présence d’une entreprise de coercition des gens
ordinaires, qui se laisse voir de manière évidente dans la répression de la
parole. Nous avons à faire à une négligence délibérée de la sécurité des femmes
et des jeunes filles dans les vestiaires et les sanitaires, et à la disparition
des équipes sportives réservées aux femmes. Nous avons à faire à la
perpétuation d’une grave maladie mentale : car le fait que j’ai
l’impression d’être « réellement » une fille n’est pas différent de
l’impression qu’a une fille mince d’être « réellement » grosse, ou de
celle d’une jolie femme d’être « réellement » hideuse, ou de
n’importe quelle autre pensée ou obsession qui ne s’accorde pas avec la
réalité. Si la santé mentale consiste en l’adequatio
mentis ad rem, alors la vogue du transgenre n’est rien d’autre qu’une
tentative de faire se conformer la réalité à l’imagination de quelqu’un, et
puisque la réalité est ce qui résiste à notre imagination, il s’agit d’une
tentative sans fin. Rien ne sera jamais suffisant.
Lorsqu’il s’agit de dire la
vérité, Anderson ne cède pas un pouce de terrain. Lorsque nous avons à faire à
des individus, il nous rappelle d’être toujours charitable, et de chercher à
comprendre ce qui peut expliquer l’illusion. Je terminerai par une observation
qui est implicite dans ce livre magnifique et honnête. S’il existe des garçons
qui souhaiteraient être des filles, et des filles qui souhaiteraient être des
garçons, cela est dû moins à une réalité qu’ils connaitraient qu’à une réalité
qu’ils ont appris à haïr. De nos jours les hommes et les femmes ont très peu de
choses aimables à dire sur le sexe opposé, et nous ne devrions pas attribuer
leur acrimonie à la seule ingratitude. Le fait est que les hommes et les femmes
ont toujours disposé d’une multitude de moyens pour se rendre mutuellement
malheureux, tout particulièrement depuis la révolution sexuelle. Les mauvais
comportements sont devenus la norme. Nous devons par conséquent nous attendre à
ce que, dans un futur proche, davantage de jeunes gens, et non pas moins,
répondent de manière irrationnelle et destructrice au désamour, à la suspicion,
au ressentiment, et au mépris qui dominent aujourd’hui les rapports entre les
sexes. Puisse le livre de Ryan Anderson nous aider à sortir de cette
auto-destruction. »
Anthony Esolen, Claremont Review of books,
spring 2018
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
LES COMMENTAIRES ANONYMES SERONT SUPPRIMES SANS AUTRE FORME DE PROCES, ALORS FAITES L'EFFORT DE PRENDRE UN PSEUDONYME OU DE SIGNER VOTRE MESSAGE. MERCI.