Ci-dessous un article dont la longueur ne devrait pas vous effrayer car
je le crois facile à lire – même s’il n’a pas été facile à traduire – et dont
le sujet devrait, me semble-t-il, en intéresser plus d’un et, peut-être
surtout, plus d’une.
Pour ceux de mes lecteurs qui trouveraient que cet article fait la part
trop belle au point de vue des femmes et qu’il oublie un peu trop ce que les
hommes pourraient avoir à dire pour se défendre – et les reproches qu’ils
pourraient adresser à ces dames – qu’ils se rassurent : il y aura une « suite »
dans quelques semaines. Mais je n’en dis pas plus. Chaque chose en son temps.
Bonne lecture !
Child-Man in the promised land
Kay S. Hymowitz, The City Journal, winter 2008
Nous sommes en 1965 et vous êtes
un homme blanc de 26 ans. Vous travaillez dans une usine, ou bien peut-être
pour un courtier en assurance. Dans l’un et l’autre cas, vous êtes marié,
probablement depuis quelques années déjà ; vous avez rencontré votre femme
au lycée, qui était dans la classe jumelle de la vôtre. Vous avez déjà un
enfant, et un autre est en route. Pour le moment vous louez un étage dans la
maison double de vos parents mais vous économisez pour acheter une maison à
trois chambres dans la ville d’à côté. Eh oui, vous êtes un adulte !
Et maintenant, transportez-vous
au 21ème siècle. Vous avez toujours 26 ans. Vous êtes sorti de
l’université et vous travaillez dans un open-space au sein d’une grande
entreprise de services financiers à Chicago. Vous vivez dans un appartement
avec quelques copains célibataires. Pendant votre temps de loisir, vous jouez
au basket avec vos potes, vous téléchargez les dernières chansons alternatives
à la mode sur iTunes, vous vous amusez sur la Xbox 360. Vous prenez
tranquillement une douche pour vous délasser, vous mettez quelques produits de
beauté sur votre visage et vos cheveux – et c’est parti pour les bars et les
soirées, où vous rencontrez des filles de toutes tailles et de tous coloris,
qui souvent finissent dans votre lit. Elles viennent de partout :
Californie, Tokyo, Alaska, Australie. Une femme ? Des enfants ? Une
maison ? Vous rigolez ?
Il n’y a pas si longtemps, le
vingtcinquenaire moyen avait franchi la plupart des étapes vers l’âge adulte –
baccalauréat, indépendance financière, mariage, enfants. De nos jours il
s’attarde – avec bonheur – dans un état hybride fait de semi-adolescence, d’un
point de vue hormonal, et d’autonomie responsable. Ces limbes, qui ont mis des
décennies à se déployer, ne sembleront peut-être nouvelles à personne, mais en
réalité elles sont pour le début du 21ème siècle ce que
l’adolescence fut pour le début du 20ème siècle : une
transformation sociologique de première ordre ayant des implications
économiques et culturelles profondes. Certains appellent cette période
« l’émergence de l’âge adulte », d’autres « l’adolescence
prolongée » ; David Brooks y est récemment allé de sa proposition
avec « les Années d’Odyssée », « une décennie d’errance ».
Mais tandis que nous nous
débattons avec le nom de cette période, il est temps d’affirmer ce qui est
désormais une évidence pour des légions de jeunes femmes frustrées : le
séjour dans les limbes ne fait pas ressortir ce qu’il y a de meilleur chez les
jeunes hommes. En ce qui concerne les femmes, vous pourriez soutenir que l’âge
adulte émerge naturellement. Les femmes célibataires entre vingt et trente ans
rejoignent les rangs d’un nouvel ordre mondial féminin, dépassant les hommes à
la fois à l’école et dans un environnement professionnel de plus en plus
accueillant pour elles, tout en meublant leurs loisirs avec du shopping, des
voyages, des dîners entre amies. Les jeunes hommes célibataires, en
comparaison, paraissent souvent flotter dans un univers ludique fait de
beuveries, de coucheries d’un soir, d’heures passées à jouer à Halo 3 et, dans
bien des cas, de sous-performance. Avec eux, l’âge adulte semble s’éloigner.
Freud a posé cette question
fameuse : « que veulent les femmes » ? En revanche Freud
n’a pas demandé ce que veulent les hommes – sans doute a-t-il pensé qu’il
saurait bien répondre à cette question là. Mais c’est une question à laquelle
les publicitaires, les responsables de médias et les producteurs de biens
culturels ont beaucoup réfléchi ces dernières années. Ils s’intéressent
particulièrement aux jeunes hommes célibataires pour deux raisons : ils
sont bien plus nombreux qu’avant et ils ont en général de l’argent à dépenser.
Voyez plutôt : en 1970, 69% des hommes blancs âgés de 25 ans et 85% de
ceux âgés de 30 ans étaient mariés ; en 2000 les chiffres étaient de
seulement 33% et 58%, respectivement. Et le pourcentage de jeunes hommes qui
ont la bague au doigt continue de décliner pendant le temps où vous lisez ceci.
Les données du bureau du recensement montrent que l’âge moyen du mariage pour
les hommes est passé de 26,8 ans en 2000 à 27,5 ans en 2006 – une évolution
spectaculaire pour un si court laps de temps.
Cela représente des dizaines de
millions de jeunes hommes supplémentaires à être bienheureusement libres de
toutes charges liées à un emprunt immobilier, à une femme, à des enfants.
Historiquement, les responsables du marketing considéraient ce groupe comme un
« public insaisissable » - le terme est perpétuellement accolé aux
« hommes entre 18 et 34 ans », dans le jargon des publicitaires – largement
insensible aux plaisirs des magazines, de la télévision, ainsi qu’aux
expéditions dans les magasins afin d’acheter les produits vantés par ces
médias. Mais, vers le milieu des années 1990, alors que les rangs des jeunes
hommes célibataires enflaient, les responsables du marketing ont commencé à
trouver les moyens d’attirer leur attention. Un moment important fut l’arrivée
sur les côtes américaines, en avril 1997, de Maxim un « magazine pour mecs » très populaire au
Royaume-Uni.
Maxim se voulait l’anti Playboy
et l’anti Esquire ; son
propriétaire mauvais-garçon, Felix Dennis, se moquait ouvertement de ces
publications célèbres et de leurs formules usées. Au lieu de cela, déclara-t-il
par la suite, les créateurs du magazine adoptèrent une « méthodologie
surprenante, celle consistant à demander à vos lecteurs ce qu’ils désirent… et
ensuite à le leur fournir. »
Et qu’est-ce donc exactement que
désiraient ces lecteurs – de sexe masculin, non mariés, 26 ans de moyenne
d’âge, revenu annuel moyen de 60 000$ à peu près - ? Comme dirait le
philosophe : « à ton avis, duschnok ? ». Maxim tartina ses unes et ses pages
intérieures de pinups aux lèvres siliconées, aux cheveux ébouriffés et aux
sous-vêtements minimalistes et, pour le cas où cela ne suffirait pas, inscrivit
partout en lettres capitales SEXE ! CHAUD ! COQUIN ! Et ça
marcha. Plus que n’importe quel magazine masculin avant ou après, Maxim s’empara de ce marché
insaisissable des hommes-âgés-de-18-à-34-ans-célibataires-et-diplômés et
s’enorgueillit bientôt d’environ deux millions et demi de lecteurs – plus que GQ,
Esquire et Men’s journal réunis.
Les couvertures montrant des
modèles de Victoria’s secret ne
suffisent pas à expliquer l’attraction des jeunes hommes célibataires pour Maxim. Après tout, il existait déjà de
très nombreuses publications bas de gamme exhibant le genre de couvertures
salaces propres à titiller le cerveau reptilien du jeune mâle. Non, ce qui
distinguait Maxim des autres magazines
pour hommes, c’était le ton. Vous y retrouviez l’ambiance de la colocation
estudiantine lorsque les mecs glandouillent au salon ; lorsqu’ils se
charrient et saluent bruyamment leurs réparties en se tapant dans la
main ; lorsque les gadgets sont trop cools ; les rocks stars, les
héros sportifs, et les batailles de cyborg trop géniales ; le travail et
Joni Mitchell trop nazes ; et les meufs simplement chaudes – ou pas.
« Est-ce qu’il y a des boulots sympas en rapport avec la
bière ? » demandait un lecteur dans un récent numéro de Maxim. Réponse : responsable
marketing, testeur de bière, et maitre de chai.
Maxim a demandé aux jeunes hommes célibataires ce qu’ils
désiraient, et a appris qu’ils ne voulaient pas grandir. Quoi que vous puissiez
dire au sujet de Playboy ou Esquire, il est indéniable qu’ils
s’efforçaient de donner de leur lecteur l’image d’un homme cultivé et au
courant des dernières tendances ; selon la formule célèbre – et, vue
d’aujourd’hui, risible – employée par Hugh Hefner dans un des premiers numéros
de Playboy, son lecteur idéal aime à « inviter
chez lui une connaissance féminine pour une tranquille discussion à propos de
Picasso, de Nietzsche, du jazz, du sexe. » En entendant cela, le jeune
type qui lit Maxim aurait envie de
casser quelque chose. Il préférerait oublier qu’il a jamais été à l’école.
Maxim est tout prêt à lui rendre ce service. Les éditeurs
s’efforcent d’éviter que l’esprit de leurs lecteurs ne vagabonde, avec des
articles comme « confessions d’un videur d’un club de striptease. »
Mais ils s’appuient surtout sur des pages pleines de photographies vantant le
dernier skateboard, le dernier jeu vidéo, le dernier caméscope et autres
produits technologiques, accompagnées occasionnellement d’une interview avec,
mettons, Kid Rock – le tout avec le strict minimum de texte requis pour
distinguer un magazine d’un catalogue publicitaire ou d’un calendrier de
Pinups. La philosophie de Playboy
n’était sans doute pas du Aristote, mais c’était, à sa manière, une tentative
de définir ce qu’est la vie bonne. Le lecteur de Maxim préfère les listes, qui gagnent en brièveté ce qu’elles
perdent en profondeur : « Les dix plus grands héros de jeu vidéo de
tous les temps », « Les cinq femmes vivantes les moins sexy »,
« Seize personnes qui ont vraiment l’air de sentir le bouc », et
ainsi de suite.
Pour autant, Maxim est loin d’être stupide, comme le montre son autodérision.
L’homme-enfant lecteur de Maxim
s’enorgueillit de son manque de prétention, de son côté mec assumé. Entre ses
lignes, le magazine semble dire : « Nous sommes justes une bande mecs
au sang chaud, nous ne sommes pas des hommes sensibles, et alors ? »
Comment interpréter autrement un article tel que : « Comment faire
croire à votre petite amie que la mort de son chat était un
accident ? » « La seule chose qui soit pire qu’une série télé
avec des médecins, c’est une série télé avec des femmes médecin stupides que
nous sommes forcés de regarder ou sinon nos petites amies refuseront d’avoir
des rapports sexuels avec nous, » grommellent les éditeurs à propos de la
série à succès (chez les femmes) Grey’s
anatomy.
Le genre homme-enfant popularisé
par Maxim est devenu banal, ce qui
peut expliquer que les ventes du magazine aient été suffisamment molles pour
que Dennis le revende, l’été dernier. Vous êtes un homme de 26 ans et vous
voulez de l’humour de carabin et de quoi satisfaire vos instincts machos ?
Il existe maintenant un buffet culturel débordant de nourriture rien que pour
vous. Commençons par les nombreux films disponibles dans tous les genres qui
plaisent aux hommes : films de science-fiction comme Transformers, films d’action et polar comme American Gangster, comédies comme Superbad et la série apparemment infinie de films qui ont pour
vedettes Adam Sandler, Jim Carrey et le « Frat Pack[1] »,
ainsi que USA Today a surnommé le
groupe de jeunes comédiens comprenant Will Ferrell, Ben Stiller, Vince Vaughn,
Owen et Luke Wilson, Jack Black, et Steve Carell.
Avec un talent certain pour la
comédie physique et vulgaire, la gaieté juvénile, et l’auto-humiliation les
membres du « Frat Pack » sont pour les hommes-enfants l’équivalent de
vedettes plus classiques, comme George Clooney et Brad Pitt, que les femmes et
les éditeurs d’Esquire adorent. Dans Old School (« Retour à la fac »),
trois trentenaires décident de monter une confrérie étudiante. Frank the tank –
Frank le tonneau – (le surnom fait allusion à sa capacité à absorber de
l’alcool), joué par Ferrell, cours à travers le campus en exhibant ses fesses
blanches et flasques ; une scène culte chez les hommes-enfants. Dans 40 years old virgin (« 40 ans,
toujours puceau »), sorti en 2005, Carell joue un nerd d’âge moyen qui possède une vaste collection de figurines mais
n’a jamais joué à la poupée. Dans une des scènes que les hommes préfèrent, une
esthéticienne épile la poitrine hirsute de Carell ; comme l’a fait
remarquer Carell ensuite, cette scène était « vraiment un truc de mec. Il
y a cette nature sadique des hommes qui fait qu’ils aiment voir d’autres hommes
souffrir dans des situations qui ne menacent pas leurs vies. »
En dépit du fait que les grandes
chaines de télévision doivent observer une certaine retenue, la télévision
propose elle aussi quantité de « distractions débiles » (stupid fun, comme Maxim appelle l’une de
ses rubriques), d’humour grossier, et même de sadisme léger, pour le public des
hommes-enfants. Cet état de fait est plus récent que vous ne pourriez le
penser. En dehors des programmes sportifs et des Simpsons, qui sont apparus au début des années 1990, il n’y avait
pas grand-chose à cette époque pour donner envie aux jeunes hommes de s’emparer
de la télécommande. La plupart des émissions en prime-time visaient les femmes
et les familles, deux publics dont les goûts étaient aussi étrangers aux mecs
que l’usage du rince-doigts.
Aujourd’hui l’homme-enfant peut
trouver des chaines entières dédiées à ce qui l’intéresse : Spike TV diffuse des matchs de catch,
des rediffusions de Star Trek, et la
série policière high-tech CSI (Les
experts) ; Blackbelt TV
(« Kicks, Flicks, and Chicks ! ») diffuse des arts martiaux
24h/24 ; partout vous trouvez de la science-fiction. Il y a plusieurs
années de cela la chaine de télévision Cartoon
Network a flairé elle aussi le potentiel de marché que représentent les
hommes-enfants et a lancé Adult Swim
qui diffuse tard dans la nuit des dessins animés « adultes » comme Family Guy (Les Griffin) et Futurama, une série culte co-créée par
l’inventeur des Simpsons, Matt
Groening. Adult Swim a mordu sur
l’audience masculine de David Letterman et Jay Leno, attirant ainsi les
annonceurs publicitaires dorés sur tranche, comme Saab, Apple, et Taco
Bell ; les hommes-enfants, cela ne surprendra personne, consomment
énormément de fast-food.
Le géant du câble, Comedy Central, peut également baiser
les pieds chaussés de Sneakers de l’homme-enfant pour son succès. A son début,
au commencement des années 1990, Comedy
Central proposait de vieilles comédies, quelques one-man-show, et avait peu
de spectateurs. Les années suivantes, elle connut quelques succès avec des
émissions comme « Politiquement Incorrect ». Mais c’est en 1997 – la
même année où Maxim arriva en
Amérique – que la chaine mis la main sur la poule aux œufs d’or avec une série
animée mettant en scène des petits garçons de huit ans au langage très vert.
Avec son humour mordant s’attaquant à tout ce qui est sacré et bien élevé, South Park était comme un sifflet pour
chien que seuls les jeunes hommes célibataires pouvaient entendre. La série
devint la plus forte audience sur le câble pour cette catégorie d’âge.
En 1999, la chaine doubla la mise
avec The Man Show, célèbre pour ses « Nénettes »
(des jeunes femmes à demi nues dotées de « nénés » particulièrement
développés), ses interviews de stars du porno, ses chansons à boire, et un
générique qui conseillait : « Quit your job and light a fart/Yank
your favorite private part » (« quitte ton boulot et pète un
coup/agrippe à deux mains ton joujou »). C’était « comme Maxim à la télévision », déclara un
des responsables de la chaine à Media
Life. Les spectateurs de Comedy Central,
dont presque les deux-tiers sont des hommes, ont fait du Daily Show et de The Colbert
Report des sortes de monuments culturels et ont lancé la carrière de stars
comme Bill Maher, Jimmy Kimmel, Dave Chapelle et, tout particulièrement, du
présentateur du Daily Show, Jon
Stewart – qui a déjà présenté la cérémonie des Oscars et qui s’apprête à le
faire à nouveau, le parfait symbole de la popularisation des goûts des jeunes
hommes célibataires.
Rien n’atteste mieux de la
puissance économique et culturelle grandissante de ces jeunes hommes
célibataires que les jeux vidéo. Dans le temps, les jeux vidéo étaient pour les
petits garçons et les petites filles – en fait, surtout pour les petits garçons
– qui aimaient tellement jouer sur leur Nintendo qu’ils ne sortaient plus jouer
à la balle, du moins est-ce le genre de plainte que l’on entendait. Ces petits
garçons ont grandi pour devenir des hommes-enfants qui jouent aux jeux vidéo,
transformant ainsi une industrie confidentielle en un géant économique valant
12 milliards de Dollars. Les hommes âgés de 18 à 34 ans sont désormais les plus
gros joueurs ; selon Nielsen Media, presque la moitié – 48,2% - des hommes
américains dans cette tranche d’âge ont utilisé une console durant les trois
derniers mois de l’année 2006, et ils l’ont fait en moyenne deux heures et 43 minutes par jour.
(C’est 13 minutes de plus que les 12-17 ans, qui à l’évidence ont plus de
responsabilités que les vingtenaires d’aujourd’hui). Les jeux – les jeux en
ligne aussi bien que les nouvelles et les informations concernant les jeux –
arrivent souvent en tête dans les enquêtes mensuelles sur l’usage d’internet.
Et le foyer, doux foyer
médiatique de l’homme-enfant est internet, là où aucun censeur importun, aucun
annonceur frileux ne vient brider ses désirs. Certains sites, comme MensNewsDaily sont des sites
d’information pointus. D’autres, comme AskMen.com,
qui revendique 5 millions de visiteurs par mois, publie des articles comme
« Comment coucher avec une écolo ? » dans le meilleur style des
auto-parodies de Maxim. « Comment une catastrophe environnementale
ambulante comme vous, conducteur de SUV et utilisateur de gobelets en
plastique, est-il censé pouvoir en mettre une dans son lit ? »
demande l’article. Réponse : faites du yoga, allez à des conférences sur
l’environnement ou dans les librairies progressistes (« mais faites
attention aux lesbiennes ! »).
D’autres sites, comme MenAreBetterThanWomen.com, TheBestPageInTheUniverse.com et DrunkausaurusRex.com ne se contentent
pas des blagues potaches et des taquineries gentilles à l’égard des femmes dans
le style de Maxim et donnent
franchement dans la méchanceté. Les hommes qui trainent sur ces sites
s’enorgueillissent d’être des « salopards » et considèrent l’autre
sexe avec amertume. Un misogyne est « un homme qui détestent les femmes
autant qu’elles se détestent entre elles, » écrit l’un d’eux sur MenAreBetterThanWomen. Un autre ironise
sur les « questions-pièges typiques des femmes - Est-ce que ça me donne
l’air grosse ? Avec laquelle de mes amies est-ce que tu coucherais si tu
étais obligé ? Tu aimes vraiment les clubs de striptease ? »
Ceux qui ont écrit le cinquième amendement[2] l’ont
fait parce que leurs femmes les rendaient complètement barjots en leur posant
des questions auxquelles ils auraient préféré refuser de répondre. »
Ce que vous entendez là, ce sont
les femmes qui ne rient pas. Oh, bien sûr, certaines femmes adorent les
hommes-enfants et leurs blagues estudiantines/scatologiques ; à peu près
20% des lecteurs de Maxim sont des
femmes et on peut penser que toutes ne font pas des recherches sur les
relations hommes/femmes. Mais, pour beaucoup des représentantes du beau sexe,
l’homme-enfant est soit un mystère irritant soit une source de souffrance. Sur
les sites de discussion, dans le courrier des lectrices, autour de la machine à
café, et dans la littérature de filles (chik
lit), les mots « hommes » et « immatures » semblent
unis pour l’éternité. Les femmes se plaignent du syndrome de Peter Pan – le
terme existe depuis les années 1980 mais il a refait surface – des
« Monsieur Pas Prêt » et des « Monsieur Pas Maintenant. » Sex and the city a fait la chronique des
frustrations de quatre femmes trentenaires aux prises avec des hommes
immatures, goujats, et qui refusent de s’engager, pendant six saisons à succès.
Naturellement, les femmes
s’interrogent : comment cette créature perverse est-elle apparue ? La
théorie la plus courante vient des universitaires et des intellectuels
influencés par le féminisme, qui voient dans les médias pour mecs la preuve
d’un backlash contre les femmes, une
crise de masculinité. Selon ces penseurs, les hommes se sentent menacés par
l’émancipation des femmes et, dans leur anxiété, ils s’accrochent à des rôles
démodés. L’hyper-masculinité de Maxim
et compagnie ne reflète pas de véritables propensions masculines ;
celle-ci est au contraire « construite » par des médias rétrogrades.
Le fait que les garçons acclament
des héroïnes féminines, comme Buffy la tueuse de vampires, tout autant que
Chuck Norris, va quelque peu à l’encontre de cette théorie. Mais elle comporte
une part de vérité. Les hommes des nouveaux médias sont en mode contre-attaque
en grande partie parce qu’ils croient que les féministes se mettent en travers
de leur chemin en tant que gardiennes des médias – comme impresarios, éditeurs,
producteurs, et autres choses du même genre - qui ne comprennent pas, ou
n’acceptent pas, « les hommes qui se comportent comme des hommes. »
Et ils font joyeusement la nique aux censeurs du politiquement correct. Dans un
épisode de South Park, le panda du
harcèlement sexuel (The Sexual Harrassment
Panda), une mascotte qui met en garde les écoliers contre le fléau du
harcèlement sexuel, est renvoyé après que son petit laïus ait déclenché une
avalanche de poursuites judiciaires absurdes. Dans Maxim les lecteurs peuvent trouver des articles comme
« Comment guérir une féministe », dont l’une des recommandations est
« prétendez que vous partagez ses convictions » en posant des
questions telles que, « Le mariage de Gloria Steinem a-t-il été une
défaite pour le féminisme ? »
Dans la mesure où ces nouveaux
médias pour mecs sont une révolte contre le féminisme, ils font partie d’une
histoire beaucoup plus vaste et plus longue, l’histoire du rapport difficile
que les hommes entretiennent avec l’ordre bourgeois. Les jeunes hommes
célibataires qui apprécient Maxim ou South Park n’aiment sans doute pas
Gloria Steinem, mais ils ne sont pas davantage prêt à écouter tous ceux qui lui
disent comment se comporter – les professeurs, les nutritionnistes, les
prohibitionnistes, les végétariens, les bibliothécaires, les dames
patronnesses, les conseillers et les moralistes de tous poils. En réalité, les
hommes ont toujours recherché un aspect antisocial, voire anarchique, dans leur
culture populaire. Dans un essai célèbre, Barbara Ehrenreich avait soutenu que
l’arrivée de Playboy en 1953
représentait le début d’une rébellion masculine contre le conformisme de la vie
familiale des années 1950 et contre les valeurs de la classe moyenne, comme le
devoir et la maîtrise de soi. Elle citait ainsi un des premiers articles de Playboy se plaignant : « tout
ce que veut la femme, c’est la sécurité. Et elle est parfaitement disposée à
écraser l’esprit aventureux et épris de liberté de l’homme pour y parvenir. »
Même le nom du magazine, faisait remarquer Ehrenreich, « était un défi à
la convention de la maturité durement acquise. »
Ehrenreich avait raison au sujet
de l’impulsion séditieuse qui se trouvait derrière Playboy, mais elle se trompait au sujet de sa nouveauté. La
résistance masculine à l’ordre domestique bourgeois était à l’œuvre depuis que
la famille était devenue bourgeoise. Dans A
man’s place, l’historien John Tosh situe les racines de cette rébellion au
début du 19ème siècle, lorsque les comportements attendus de la part
des hommes de la classe moyenne commencèrent à s’éloigner de l’attitude
distante qui prévalait du mauvais temps du patriarcat. Dans le nouvel ordre
bourgeois, le foyer se devait d’être un havre de paix dans un monde impitoyable,
dans lequel l’affection et l’intimité étaient les vertus cardinales. Mais,
selon Tosh, il ne fallut pas longtemps pour que les hommes expriment de la
frustration avec la domestication bourgeoise : ils allèrent chercher les
sensations fortes et la camaraderie masculine dans l’entreprise coloniale, dans
les livres d’aventure d’auteurs comme Stevenson, et en allant « au
club. »
Au début du 20ème
siècle, l’émergence du marché de masse aux Etats-Unis offrit de nouveaux
exutoires pour les passions viriles qui se tenaient gauchement assises dans le
salon bourgeois.
D’où la parution de titres comme Field and Stream et Man’s adventure, de même que des productions plus sulfureuses comme
Escapade et Caper. Lorsque les téléviseurs arrivèrent sur le marché, à la fin
des années 1940, c’était la diffusion des combats de poids moyens et des matchs
de football qui amenait papa à faire cette grande dépense ; de nos jours
encore, ce sont les évènements sportifs – ces empoignades guerrières civilisées
- qui le retiennent collé au fauteuil du salon alors qu’il devrait être en
train de plier le linge.
Mais cette histoire laisse
entrevoir une vérité peu agréable au sujet du nouveau jeune homme
célibataire : il est immature parce qu’il peut l’être. Nous pouvons
discuter à perte de vue pour savoir si la « masculinité » est
naturelle ou bien construite – si les hommes sont spontanément cavaleurs,
agités, et négligés, ou bien s’ils sont socialisés de cette manière – mais il
n’est pas possible de nier la leçon qu’offre le marché médiatique actuel :
donnez aux jeunes hommes le choix entre des œuvres sérieuses d’une part et,
d’autre part, des top-modèles de Victoria’s
Secret, des batailles de cyborgs, des toilettes qui explosent, et la NFL[3], et
ce sont les top-modèles, les cyborgs, les toilettes, et la NFL qui l’emportent,
et de loin. Pour une raison ou une autre, l’adolescence semble être l’état par
défaut du jeune homme, prouvant ainsi la vérité de ce que les anthropologues
ont découvert dans toutes les cultures : ce sont le mariage et les enfants
qui transforment les garçons en hommes. Maintenant que le jeune homme célibataire
peut repousser la perspective de fonder une famille dans un futur lointain et
nébuleux, il peut essayer de rester un homme-enfant, et il le fera. Le
pater-familias d’hier ou le père de famille bourgeois des années 1950 pouvait
éventuellement chercher à échapper aux obligations de l’âge adulte à travers
des rêves d’aventures en haute mer, de pinups, ou à travers la guerre sublimée
du terrain de football, mais une pression sociale considérable s’exerçait sur
lui pour qu’il se comporte en homme. Non seulement personne aujourd’hui ne
demande au vingt ou trentenaire de devenir un mari et un père responsable –
c'est-à-dire, de grandir – mais en plus un marché échappant à tout contrôle lui
fournit tout ce dont il a besoin pour s’installer indéfiniment au paradis de
cochonnet.
Et ce paradis peut devenir une
sacrée porcherie. Prenez par exemple Tucker Max, dont le site éponyme a
beaucoup de succès auprès de ses pairs. Dans un autre temps, Max aurait été
considéré comme « une bonne prise ». Beau garçon, ambitieux, diplômé
de l’université de Chicago et de la faculté de droit de Duke. Mais, dans un
monde ou les hommes-enfants peuvent s’épanouir, il a trouvé plus à son goût –
et remarquablement facile – de poursuivre une autre carrière : celle de
« trou-du-cul » professionnel. Max écrit ce qu’il prétend être des « histoires
vraies à propos de mes soirées de vingtenaire ordinaire » - boire comme un
trou (UrbanDictionary.com range Tucker
Max Drunk ou TDM parmi les synonymes de « s’effondrer ivre
mort »), se battre, laisser un peu partout du vomi et des excréments à
nettoyer aux autres, et, surtout, coucher avec d’innombrables filles
rencontrées « au hasard » - étudiantes, serveuses à Las Vegas, stripteaseuses
à Dallas, et membres des Juniors Leagues en plein délire érotique.
Tout au long de ses aventures,
Max – tel un petit enfant qui en serait resté aux alentours du stade œdipien – est
obsédé par son pénis et son « cul ». Il est totalement dépourvu de
conscience – « l’anxiété féminine, c’est le cadeau perpétuel », écrit-il
à propos de ses efforts pour miner la confiance en elles-mêmes de ses proies,
afin de les séduire plus facilement. Pensez à Max comme au dernier rejeton d’un
Hugh Hefner vieillissant et génétiquement déficient, et à son site internet et
à son best-seller, J’espère qu’ils
servent de la bière en enfer, comme une preuve du profond déclin de la
culture masculine. Les aspirations au raffinement de Playboy faisaient encore signe vers les exigences du Moi et vers
une culture posant des limites à la turbulence masculine ; Max,
l’homme-enfant qui ne rend de compte qu’à ses camarades « trous-du-cul »,
n’est qu’un Ça, et fier de l’être.
On pourrait cependant argumenter
qu’il n’y a pas vraiment lieu de s’inquiéter à propos de ce grand bazar composé
de Maxim, Comedy Central, Halo 3,
et même du nuisible Tucker Max et que l’adolescence prolongée est précisément
ce que le terme implique : une étape transitoire. La plupart des jeunes
hommes s’intéressent à beaucoup d’autres choses, et même ceux qui passent trop
de temps sur TuckerMax.com finiront par s’assagir. Les hommes savent faire la
différence entre le divertissement et la vraie vie. En tout cas la maturité
finit par advenir, de la même manière que la gravité agit : la nature a
des lois.
C’est certainement l’espoir qui
anime le film à succès de Judd Apatow, Knocked
Up (« En cloque, mode d’emploi »), le plus acéré des
divertissements récents mettant en scène des hommes-enfants. Ce qui distingue Knocked Up de, mettons, Old School, c’est qu’il invite son
audience à se réjouir de l’immaturité du jeune homme célibataire – son
obsession avec « le cul » et « les nibards », son indolence
négligée – tout en mettant en lumière son caractère insatisfaisant.
Ben Stone, 23 ans et consommateur
régulier d’herbe qui fait rire, met accidentellement enceinte Alison, une
superbe inconnue qu’il a été assez chanceux pour séduire dans un bar. Il n’a
aucune idée de ce qu’il devrait faire lorsqu’elle décide de garder l’enfant,
non pas parce qu’il serait « un salopard » – en fait, il a un grand
cœur – mais parce qu’il vit entouré d’attardés sociaux. Ses camarades de
chambrée passent leur temps à se chamailler au sujet de qui a pété sur
l’oreiller de qui et quand lancer leur site pornographique. Son père ne lui est
pas d’une plus grande utilité : « J’ai été divorcé trois fois »,
répond-il à Ben lorsque son fils lui demande des conseils au sujet de sa
situation, « Pourquoi me demandes-tu ça à moi ? » A la fin,
cependant, Ben comprend qu’il doit grandir. Il trouve un travail et un
appartement, et apprend à aimer Alison et l’enfant. C’est une comédie, après
tout.
C’est aussi un conte de fées pour
les jeunes hommes. Vous ne sauriez pas comment grandir, même si vous le
vouliez ? Peut-être qu’une belle princesse va arriver et vous montrer
comment faire. Mais la question importante que le film d’Apatow ne traite que
tangentiellement est : quel effet produit sur un jeune homme le fait de
vivre pendant longtemps comme un homme-enfant – et sur les femmes avec lesquelles
il rentre en collision pendant ce temps.
Car le problème avec les
hommes-enfants, c’est qu’ils ne font pas des maris et des pères très
prometteurs. Ils souffrent de la proverbiale « peur de s’engager »,
ce qui est une autre manière de dire qu’ils ne supportent pas l’idée d’être
attachés de manière permanente à une seule femme. Bien sûr, ils ont des petites
amies ; et beaucoup sont même prêts à aller habiter avec elles. Mais
cohabiter peut se révéler juste une autre ruse de retardement employée par
Peter Pan. Les femmes ont tendance à considérer la cohabitation comme pouvant
constituer une étape avant le mariage ; les hommes la considère comme une
autre manière de passer du bon temps ou, comme le fait observer Barbara Dafoe
Whitehead dans Why there are no good men
left, comme un moyen « d’avoir les avantages d’une épouse sans avoir à
endosser les obligations d’un mari. »
Même les hommes qui se marient ne
surmontent pas aisément leur période homme-enfant. Neal Pollack se fait le
porte-parole de certains d’entre eux dans Alternadad,
son livre autobiographique paru en 2007. Pollack se débat pour essayer de
rester « tendance » - fumer de la marijuana, aller à des concerts de rock
– une fois devenu père d’Elijah, « le nouveau coloc’ », comme il
l’appelle. Pollack se réconcilie avec la paternité car il découvre qu’il peut
faire connaître les meilleurs groupes de rock alternatif à son bambin, et aussi
parce que celui-ci lui donne tellement d’occasions pour exercer sa fascination
d’homme-enfant pour « le caca ». Il est plein d’une affection
touchante pour son petit garçon. Mais ses efforts pour transformer son fils en
un Neal Pollack miniature – « Mon fils et moi étions en train de
pogoter ! Génial ! » - reflètent le narcissisme de
l’homme-enfant qui résiste à l’idée que les autres pourraient avoir des droits
sur lui.
Knocked Up évoque une forme plus destructrice de narcissisme dans
une intrigue secondaire impliquant la sœur mal mariée d’Alison, Debbie, et son
mari, Pete, le père de leurs deux petites filles. Pete, qui disparaît
fréquemment pour jouer au Fantasy Baseball, pour se défoncer à Las Vegas, ou
simplement pour aller tout seul au cinéma, manie perpétuellement l’ironie pour
se distancier de sa famille. « Soucie-toi plus de nous ! » lui
crie sa femme. « Tu es cool parce que tu n’en as rien à foutre ! »
Et cette attitude « cool » fait
signe vers ce qui est peut-être le problème existentiel le plus profond avec
les hommes-enfants : une tendance à éviter non pas seulement le mariage mais
tout attachement profond. C’est ce qu’expose l’écrivain britannique Nick Hornby
dans son roman, About a boy. Le
antihéros du livre, Will, est un jeune homme célibataire dont la vie est aussi
dépourvue de passion que de responsabilités. Sa personnalité se résume aux
émanations de la « culture pop », un fait que l’auteur symbolise en faisant
vivre Will qui, à trente-six ans, n’occupe aucun emploi, des revenus générés
par une chanson de Noël à succès écrite par son défunt père. Hornby montre
comment les limbes saturées de produits médiatiques dans lesquelles vivent les
jeunes hommes d’aujourd’hui permettent très facilement de remplir ses journées
sans jamais réellement faire quoique ce soit. « Il y a soixante ans, toutes les
ressources qu’utilisait Will pour occuper ses journées n’existaient tout
simplement pas, » écrit Hornby. « Il n’y avait pas de télévision durant la
journée, pas de vidéos, pas de magazines sur papier glacé… Maintenant, en
revanche, il était aisé de ne rien faire. Les ressources étaient presque trop
abondantes. » Le fait que Will n’ait pas de profession est une des conséquences
d’un manque de passion plus générale. Pour draguer les femmes, par exemple, il
prétend avoir un fils et s’inscrit à une association pour parents isolés : le
désarroi des mères célibataires lui est indifférent. Pour Will, les femmes sont
simplement des instruments de chair qui fournissent du sexe, et le sexe est
juste une forme de divertissement, « une fantastique alternative charnelle à la
boisson, aux drogues, à une soirée réussie, mais pas beaucoup plus que ça. »
Comme l’indique le titre de son
livre publié en 2005, Indecision,
Benjamin Kunkel montre également comment l’apathie infecte le monde des jeunes
hommes célibataires. Son héros de 28 ans, Dwight Wilmerding, souffre d’une
aboulie – indécision chronique – si sévère qu’il se trouve paralysé lorsqu’il
s’agit de choisir la dinde, la sauce aux airelles, et la tenue pour Thanksgiving. Ses parents sont divorcés,
sa petite amie la plus récente s’est évaporée, et il a perdu son travail. Tout
comme Will, Dwight est un flemmard invétéré, incapable de s’engager et peu
désireux d’éprouver des sentiments. La seule femme qu’il ait aimée est sa sœur,
qui explique ainsi cette attraction : « Je suis en fait la seule
fille que tu ais appris à connaître de la bonne manière. C’était graduel, et
inévitable. » Tout comme Hornby, Kunkel voit dans la facilité d’accéder à
la sexualité une des sources de l’apathie de ces jeunes hommes. Dans un monde
de liaisons en série, les jeunes hommes célibataires « ne parviennent pas
à sublimer leur énergie libidinale de la manière qui, en réalité, rend les
hommes attractifs, » comme l’expliqua Kunkel à une journaliste consternée
qui l’interviewait pour le magazine Salon.
La superficialité, l’indolence,
et l’absence de passion décrites dans les romans de Hornby et Kunkel n’ont pas
déclenché la moindre transformation culturelle. Le livre de Kunkel s’est
brièvement retrouvé dans quelques listes régionales de bestsellers, et les
ventes de Hornby sont raisonnablement bonnes. Mais les ventes de la
« littérature pour mecs », comme certains appellent les romans dont
les héros sont des jeunes hommes célibataires, n’arrivent pas à la cheville de
celles de la littérature pour filles. Le jeune homme célibataire lit peu,
rappelez-vous, et il ne lit certainement rien qui prescrirait une sorte de
transformation personnelle. L’homme-enfant se moque peut-être de lui-même, mais
réfléchir sur soi-même est quelque chose d’entièrement différent.
C’est fort dommage. Comme l’a
finement observé Kunkel « les hommes sont plus inachevés en tant que personne. »
Les jeunes hommes tout particulièrement ont besoin d’une culture qui les aide à
se fixer des aspirations respectables. Les adultes n’apparaissent pas
spontanément. Ils se construisent.
[1] Jeux de mots sur « Frat »
et « Rat ». Dans les années 1950-1960, le « Rat Pack »
désignait un groupe variable de grands noms du show-business réunis autour de
Frank Sinatra. « Frat » est le diminutif de « Fraternity »
qui aux Etats-Unis désigne des sortes de clubs estudiantins.
[2] Le cinquième amendement de
la Constitution des Etats-Unis contient notamment la phrase suivante :
« nul ne pourra, dans une affaire criminelle, être obligé de témoigner
contre lui-même. »
[3] National Football League –
football américain.