Parlons chiffres.
Il y a un peu plus d’un an, lors
du premier confinement, j’écrivais que, bien qu’un jugement définitif ne puisse
pas encore être porté, tout semblait indiquer que « le Covid19 est une
épidémie assez peu grave, mesurée à l’aune des grandes épidémies que l’humanité
a pu connaitre et même simplement à l’aune des causes de mortalité en général. »
L’année écoulée n’a pas démenti
cette conclusion prudente, elle l’a au contraire renforcée, de sorte que, si le
premier confinement peut être considéré comme une erreur pardonnable, au regard
de la confusion qui régnait alors, les confinements suivants et surtout
aujourd’hui l’invraisemblable passe sanitaire apparaissent comme de véritables
fautes, aux conséquences potentiellement très graves.
Et c’est bien ce qui me semble le
plus désespérant dans la situation présente : notre réaction collective
face à cette pandémie est tellement excessive qu’elle me parait parfois voisine
du délire collectif, et traduit à tout le moins une atteinte très grave de
cette faculté que les esprits sophistiqués ne cessent de moquer mais sans
laquelle pourtant aucun raisonnement ne vaut rien, à savoir le bon sens, ou le
sens commun.
Sans doute parce que je désespère
que la raison puisse à nouveau faire entendre sa voix, aussi parce qu’il me
semble que les chiffres significatifs ont été mille fois rabâchés et sont
désormais connus de tous, je ne me donne plus la peine de les mentionner.
Mais peut-être ai-je tort de ne
plus faire cet effort. Un échange récent m’a convaincu que, même pour des gens
a priori bien informés et qui n’ont pas succombé au délire collectif, ces
chiffres pouvaient être une découverte, ou une redécouverte, tant il est vrai
que notre mémoire est trop souvent une servante négligente et infidèle (la
mienne y compris, bien sûr).
En recherchant à nouveau ces
chiffres - pour m’assurer précisément que ma mémoire ne me trompait pas - je me
suis aussi aperçu que, s’ils ne sont pas fort difficiles à trouver, ils doivent
néanmoins être cherchés, ce dont peu de gens se donneront la peine et peut-être
ceci explique-t-il un peu cela. Car si nous sommes abreuvés de chiffres par
tous les médias et par le gouvernement, les chiffres qui nous sont donnés sont
la plupart du temps dépourvus de pertinence, c’est-à-dire qu’ils ne nous
rendent pas plus aptes à bien juger de la situation, au contraire sans doute.
Et cela a probablement à voir avec la place qu’a pris la médecine dans le débat
public.
Les médecins ont envahi les
plateaux de télévision et soufflent aux hommes politiques les décisions qu’ils
doivent prendre ; ce faisant ils transmettent à ces derniers, et peu à peu
au corps politique tout entier, la manière caractéristique de voir les choses
qui est la leur. Par vocation, par obligation professionnelle impérieuse, les
médecins ne doivent considérer que le bien du patient qu’ils ont en face d’eux
et faire tout ce qui est en leur pouvoir pour guérir celui-ci, dans les limites
tracées par le serment qu’ils ont prêté, bien sûr. Cela revient à dire que les
médecins, en tant que médecins, ne voient que des individus, ne veulent voir
que des individus et résistent très fortement à ceux qui voudraient les
distraire de l’individu souffrant ou malade qui est en face d’eux pour attirer
leur attention sur les conséquences collectives de leurs actions. Les
conséquences collectives de leurs actions placent les médecins face à ce que,
de nos jours, ils appellent « des conflits éthiques » :
c’est-à-dire qu’elles les obligent à faire des choix qu’ils ne veulent pas
faire, car ils les considèrent comme contraire à leur vocation. Par conséquent,
ils tendent très fortement à ne pas vouloir en entendre parler, et à présenter
les situations d’une manière qui occulte ces conséquences, pourtant bien
réelles.
Il est bien qu’il en soit ainsi,
et je ne voudrais pas être soigné par un médecin qui aurait une autre
conception de son métier que celle-ci. Mais ce qui est une vertu chez le
médecin devient un vice chez l’homme politique pour qui, au contraire,
l’individu doit, sauf exception, être peu de choses. Comme le disait
Tocqueville à un autre propos : « La réforme morale d'un seul
individu, qui est une grande chose pour l'homme religieux, est peu pour l'homme
politique ; ou, pour mieux dire, une institution n'est politique que si elle
est faite dans l'intérêt de la masse ; elle perd ce caractère, si elle ne
profite qu'à un petit nombre. »
Or, depuis plus d’un an, nous
sommes bombardés de grandeurs absolues – tant de décès, tant de cas confirmés,
tant de nouvelles hospitalisations, tant de personnes en réanimation, etc. –
alors que, presque toujours, les seules informations intéressantes sont les
grandeurs relatives. Et nous avons le regard obstinément rivé sur le petit bout
de la lorgnette, celui qui nous montre les hôpitaux et, à l’intérieur des
hôpitaux, les services de réanimation.
Mais lorsque vous essayez de
remettre les chiffres en perspective et d’élargir la focale, on vous accuse
presque invariablement de manquer de cœur, d’être insensible à la souffrance et
à la mort d’autrui, voire d’avoir du sang sur les mains. C’est-à-dire qu’on
empêche toute compréhension proprement politique de cette pandémie, car toute
compréhension politique du phénomène aboutit inévitablement à le
« relativiser », à passer des valeurs absolues aux valeurs relatives,
des services de réanimation à la nation tout entière.
Il faut pourtant relativiser ;
il faut nous efforcer de penser au niveau du tout et plus au niveau des
individus, car la victoire presque totale de la perspective médicale est en
train de nous faire prendre des décisions politiquement catastrophiques. Il
faut oser réaffirmer des évidences : la vie n’est pas le seul bien sur
cette terre, et la mort d’un individu n’est un drame que pour ses
proches : pour le corps politique auquel il appartient, à moins qu’il ne
s’agisse d’un individu exceptionnel, elle est à peu près insignifiante.
Par conséquent, il faut dire
clairement que le nombre de décès est absolument dépourvu de pertinence et ne
sert qu’à obscurcir notre jugement. Afficher « 111 000 décès »
depuis le début de l’épidémie, comme le fait Santé Publique France sur son
site, c’est s’empêcher de raisonner proprement, car qui osera dire que
111 000 morts sont peu de choses ? Ce qui est pourtant le cas.
Nous ne sommes pas immortels, et
chaque année il meurt quelques 600 000 personnes en France. L’information
pertinente concernant le Covid n’est donc pas le nombre total de morts mais le
taux de décès en population générale. Ce taux est bien connu, ou devrait
l’être : il est actuellement de 0,12% (j’arrondis au centième supérieur).
Pour le dire autrement, en 2021, ce sont à peu près 0,12% des Français qui
devraient mourir du Covid. Ce taux place la France au 23ème rang en
termes de mortalité due au Covid.
(Source : https://public.tableau.com/app/profile/dca.domie/viz/COVID-19MONDETauxdedcsparpays/TauxDcs)
Peut-être dira-t-on que ce taux
aurait été bien plus élevé si l’on n’avait pas pris des mesures de freinage de
l’épidémie, et notamment le confinement. C’est évidemment possible, mais pour
que ces mesures exceptionnelles et aux conséquences économiques, politiques et
sociales très lourdes se justifient, il faudrait à tout le moins qu’elles
produisent une diminution très significative de la mortalité.
Ce même tableau permet de douter
que cela soit le cas. Si nous prenons par exemple le cas du Brésil, où le
président Bolsonaro a refusé obstinément toute mesure de confinement national,
nous constatons que le taux de décès est de 0,11%. Bien sûr, la population
brésilienne n’a pas les mêmes caractéristiques que la population française,
donc la comparaison ne saurait être poussée trop loin, mais à tout le moins la
différence avec la France qui a déjà connu trois confinements n’est pas
spectaculaire, pour dire le moins. Et si nous regardons le taux brut de
mortalité au Brésil, nous voyons certes qu’il est un peu plus élevé en 2020
qu’en 2019, mais aussi qu’il augmentait tendanciellement depuis une dizaine
d’années. Rien de très probant encore une fois, donc.
En Suède, où là aussi aucun
confinement n’a été décrété et où l’accent a été mis sur la responsabilité
individuelle, même constatation : le taux de décès du Covid est
actuellement de 0,12%.
Par ailleurs, il est avéré depuis
longtemps que le Covid ne tue pas au hasard. Sa létalité est très circonscrite
à une partie de la population. Au mois d’avril 2021, L’âge médian au décès
était de 85 ans et 92,7% des personnes avaient 65 ans et plus.
Des comorbidités étaient
renseignées pour 65% des certificats de décès présentant une mention de Covid-19.
Sur l’ensemble des décès certifiés électroniquement, 2% des personnes décédées
ne présentaient pas de comorbidité (ou pas de comorbidité renseignée) et
étaient âgées de moins de 65 ans.
Ces chiffres n’ont pratiquement
pas varié depuis le début de la pandémie.
Lorsque la mort touche
essentiellement des personnes très âgées et/ou déjà malades, il est évident que
raisonner en termes de nombre de décès nous égare complètement. La mesure
pertinente de la gravité de l’épidémie est plutôt le nombre d’années de vie
perdues : pour chaque patient dont le décès est attribué au Covid, combien
d’années de vie potentielles le Covid lui a-t-il fait perdre ?
Etant donné que l’espérance de
vie à la naissance était de 80 ans pour les hommes et 86 ans pour les femmes en
2019 (j’arrondis à l’unité supérieure) et que l’âge médian du décès par Covid
est de 85 ans, on peut immédiatement conclure que, pour la moitié des
trépassés, la perte a été nulle ou presque nulle, le Covid n’a pas abrégé le
temps de vie qui, statistiquement, leur était imparti. Pour l’autre moitié il
est impossible de faire la même estimation grossière faute d’avoir une
répartition fine combinant l’âge et la comorbidité, mais il est intuitivement
évident que le professeur Raoult avait raison lorsqu’il déclarait que l’effet
global du Covid 19 serait que des gens qui avaient, statistiquement, un ou deux
ans d’espérance de vie, allaient mourir un ou deux ans plus tôt.
Et non, je ne suis pas
spécialement fan de Didier Raoult.
Mais, entend-on désormais assez
souvent, les morts du Covid ne sont que la partie émergée de l’iceberg, pour
prendre vraiment conscience de la gravité de la pandémie il faut tenir compte
de tous les cas de Covid long, c’est-à-dire de tous ceux qui sont handicapés
par des symptômes plusieurs semaines après la maladie.
Il n’est pas évident de savoir
combien d’infections au Covid sont « longues », étant donné que la
définition de ladite longueur est nécessairement arbitraire, mais la Haute
Autorité de Santé donne les chiffres suivants : « Plus de la moitié
de ces patients présentent encore au moins un des symptômes initiaux 1 mois
après le début de la maladie et plus de 10 % après 6 mois, la gravité et le
temps de récupération variant en fonction des patients. »
(Source : https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A14678)
Le Covid faisant encore sentir
ses effets après six mois, que l’on peut qualifier de « Covid long »,
représenterait donc environ 10% des patients. Mettons 15% pour prendre une
estimation large. Mais nous ne devons pas oublier que l’immense majorité des
personnes infectées par le Covid n’ont aucun symptôme. Les 15% de « Covid
long » sont évidemment parmi ceux chez qui des symptômes apparaissent.
Quel est le pourcentage des asymptomatiques ? Par définition, il est impossible de le savoir précisément, mais il pourrait dépasser 85%
Les « Covid long » seraient
donc 15% de 15%, soit 2,25% des personnes infectées. Combien cela
représente-t-il de gens ? Selon Santé Publique France, il y avait
6 100 000 (j’arrondis à la centaine de milliers supérieure) cas
confirmés depuis mai 2020. Cela donnerait donc 140 000 cas de « Covid
long » (j’arrondis à la dizaine de milliers supérieure) sur un peu plus
d’un an, soit 0,21% de la population. Ce n’est bien sûr qu’un ordre de
grandeur.
C’est évidemment fort ennuyeux
pour chacune de ces 140 000 personnes, mais est-ce une catastrophe
nationale, du genre qui nécessiterait les mesures drastiques qui ont été prises ?
Certainement pas. Etant bien entendu que, normalement, les symptômes finissent
par disparaitre et qu’il ne s’agit donc pas d’un handicap permanent, juste
d’une longue convalescence. Si vous êtes convaincus de l’innocuité des vaccins,
le Covid long est certainement une bonne raison de vous faire vacciner. Mais
sinon ?
Vous sentez certainement la
conclusion qui se profile, et peut-être y résistez-vous en pensant :
« Non, ça ne peut pas être si simple, il doit y avoir une erreur quelque
part. » Peut-être en effet, mais où ? Les sources que j’utilise sont
officielles, les chiffres ne sont guère contestables et les calculs que j’ai
effectués sont des plus simples. Alors où est l’erreur ?
Et s’il n’y a pas d’erreur, alors
il faut dire franchement : tout ça pour ça ? C’est pour une épidémie
si ordinaire, si banale, que nous avons pris des mesures si
exceptionnelles ? C’est pour un méchant petit virus comme il en a toujours
existé et comme il en existera toujours que nous avons accepté tant de
restrictions de nos libertés, que nous avons accordé tant de pouvoirs au
gouvernement, que nous avons détruit tant de richesses, que nous sommes en
train de malmener si brutalement un corps politique déjà si fragile, si mal en
point ? Tout ça pour ça ??
Les pouvoirs publics l’ont
répété : « Nous sommes en guerre contre le Covid ». Nous avons donc
déclaré la guerre à un virus qui, en vérité, ne menace sérieusement qu’une
seule chose : notre illusion que la médecine pourrait nous guérir de tout.
Mais, parait-il, ce sont ceux qui protestent contre le passe sanitaire qui sont
des gens irrationnels.