Une jeune fille métisse peut-elle
incarner Jeanne d’Arc lors des fêtes johanniques qui ont lieu chaque année à
Orléans ?
En apprenant que tel serait le
cas cette année j’ai, sans doute comme beaucoup de gens, commencé par hausser
les épaules.
« Bin voyons, me suis-je
dit. Et l’année prochaine, je suppose que ce sera une lesbienne revendiquée, ou
bien un homme qui se définit comme femme, puisque n’est-ce pas, comme chacun le
sait, le sexe n’est pas le genre. »
Bref, j’y ai vu spontanément, une
petite provocation supplémentaire de la part du parti progressiste, que l’on
pourrait appeler justement le parti de la destruction systématique, ou le parti
de la souveraineté absolue de l’individu. Le parti de ceux qui ont entrepris de
nier systématiquement les réalités historiques, politiques et naturelles les
plus incontestables, au nom de l’égalité et du « droit » supposé de
chacun de s’auto-engendrer.
Un acte de propagande aussi
stupide et offensant que, par exemple, l’affirmation du président Chirac selon
laquelle « Les racines de l'Europe sont autant musulmanes que chrétiennes », ou
bien que ce seraient les immigrés (entendez : les maghrébins et les
Africains) qui auraient reconstruit la France en 1945, après l’avoir sauvé sur
les champs de bataille.
Et comme le parti progressiste
rivalise de provocations et de stupidités depuis maintenant des décennies, et
qu’en conséquence j’ai désormais le cuir épais, je m’apprêtais à ne pas
accorder plus à cette nouvelle polémique qu’un vague grommellement, avant oubli
mérité.
Mais, ayant été amené à lire
quelques réactions et quelques articles sur la question, l’idée s’est
progressivement imposée à moi que le sujet était plus intéressant que je ne
l’avais pensé initialement, et méritait quelques efforts de réflexion.
Commençons par déblayer le
terrain des questions accessoires pour essayer d’accéder directement au cœur du
problème.
Oui, les réactions spontanément négatives
sont compréhensibles, pour les raisons que j’ai brièvement évoquées ci-dessus.
Bien que les membres de l’association Orléans-Jeanne d’Arc, qui ont choisi la
jeune Mathilde Edey Gamassou pour incarner, le temps d’une procession, la
sainte nationale, se soient évidemment récriés que sa qualité de métisse
n’avait nullement été un critère de choix, il sera toujours impossible de
s’assurer que tel a bien été le cas. Et, la conversation civique française
étant ce qu’elle est, il est également impossible de croire que ces membres
n’ont pas anticipé qu’un tel choix ferait polémique. A moins d’être totalement
stupides ou d’avoir vécu au fond d’une grotte ces quarante dernières années,
ces personnes ne pouvaient pas ne pas comprendre qu’un tel choix avait
nécessairement une signification publique qui allait bien au-delà des simples
fêtes johanniques.
Et oui, la pauvre Mathilde n’est
pour rien dans tout cela, et les torrents de boue qui se sont déversés sur
elle, via l’égout des réseaux sociaux, sont aussi stupides et offensants que
les provocations du parti progressiste. Il est naturel que nombre de gens
n’appartenant pas à ce parti se soient spontanément portés à sa défense.
Sur ces deux points, il me semble
qu’aussi bien les défenseurs que les critiques de ce choix peuvent aisément
tomber d’accord, pourvu qu’ils soient un tant soit peu raisonnables.
Mais ce qui est en réalité au
fond de la polémique, me semble-t-il, c’est le rapport entre race et politique.
Et ce qui fait que défenseurs et critiques, même raisonnables et de bonne foi,
ne parviennent pas à s’entendre, c’est la difficulté bien réelle qu’il y a à
conceptualiser les différences raciales d’une manière politique, autrement dit
à faire droit à un fait incontestable : les différences raciales existent,
sans tomber dans le racisme, au sens strict du mot, c’est-à-dire dans une
conception matérialiste et fataliste de l’existence humaine. En termes plus
généraux encore, ce qu’il y a au fond du débat sur la « Jeanne d’Arc
noire », c’est l’articulation complexe entre liberté et nécessité.
Mais procédons pas à pas.
Les arguments des défenseurs du
choix de Mathilde Edey Gamassou sont les suivants.
Chacun sait bien que Jeanne d’Arc
n’était pas noire (ni métisse, ni asiatique, et ainsi de suite). Mais les fêtes
johanniques ne sont pas une reconstitution de la vie de la pucelle d’Orléans,
qui exigerait le respect le plus poussé possible de la vérité historique, elles
sont, selon les termes maladroits mais parlant d’un de ces défenseurs, une
manière de célébrer « les valeurs de Jeanne d’Arc ». Ou encore,
« Il ne s’agit donc pas tant de représenter Jeanne d’Arc que son héritage,
spirituel et moral. » Or cet héritage n’est aucunement lié à la couleur de
la peau, ou aux différences raciales de manière générale.
Qu’est-ce en effet que cet
héritage ? Quelles sont les « valeurs de Jeanne d’Arc » ?
La foi chrétienne, dans sa version
catholique romaine, et le patriotisme. Jeanne est à la fois une sainte et une
héroïne nationale, les deux inséparablement et nécessairement mêlés. Jeanne est
une disciple du Christ et une fille de France. Et c’est pour cela qu’elle est
célébrée chaque année à Orléans.
Que Jeanne d’Arc soit une sainte,
l’Eglise catholique l’affirme, et elle est seule à pouvoir porter ce jugement.
Que Jeanne d’Arc soit la France,
que sa courte vie se confonde avec le rétablissement, au bord du tombeau, de ce
corps politique particulier que l’on nomme la France, n’est pas non plus
sérieusement contestable.
Ecoutons Michelet :
« La vierge secourable des
batailles que les chevaliers appelaient, attendaient d’en haut, elle fut
ici-bas… En qui ? C’est la merveille. Dans ce qu’on méprisait, dans ce qui
semblait le plus humble, dans une enfant, dans la simple fille des campagnes,
du pauvre peuple de France… Car il y eut un peuple, et il y eut une France.
Cette dernière figure du passé fut aussi la première du temps qui commençait. En
elle apparurent à la fois la Vierge… et déjà la patrie. Telle est la poésie de
ce grand fait, telle en est la philosophie, la haute vérité. »
Ecoutons Bainville parler du
« beau feu d’enthousiasme et de patriotisme qui avait pris naissance à
Domrémy » :
« une des grandes idées de
la « bonne Lorraine » avait été la réconciliation des Français. Grâce
au mouvement national que son intervention avait déterminé, le retentissement
et l’horreur de son martyre réalisèrent son vœu. La domination anglaise était
de plus en plus détestée. »
Les questions que nous pose le
choix de Mathilde Edey Gamassou pour personnifier Jeanne d’Arc en cette année
2018 sont donc les suivantes : peut-on être sainte et Noire ? Peut-on
être Française et Noire ?
Et à ces deux questions il faut
répondre : oui.
Oui, il est incontestable que la
proposition chrétienne s’adresse à tous les hommes, que tous sont appelés à la
sainteté, indépendamment de toutes les différences naturelles qui peuvent
exister entre eux.
Et oui, il est également vrai que
la qualité de Français n’est pas attachée à une couleur de peau. Nous ne
parlons évidemment pas là de la nationalité française, qui ne dépend que d’une
décision administrative, mais bien d’une qualité substantielle : se sentir
intimement et exclusivement lié à ce corps politique singulier que l’on nomme
la France. Vibrer au récit de ses succès et s’attrister de ses échecs, se
sentir élevé par ce que son histoire a de grand, et humilié par ce que son
histoire a de bas. Etre français par sa langue, par sa culture, par ses
passions, par ses mœurs, par son patriotisme, être Français, enfin, dans toute
l’acception du terme, cela est ouvert aux hommes de toutes les races et de
toutes les origines.
Ces arguments sont forts et je
dois dire que, personnellement, il m’est impossible de leur refuser mon
assentiment.
Mais ces arguments forts, vrais,
ne suffisent pas à épuiser la question.
Il y a en effet, tapi derrière
ces arguments légitimes, un sophisme qu’il importe de tirer en pleine lumière.
De ce qu’un Noir (ou, pour le dire de manière plus générale, un non Blanc)
puisse être Français, il ne s’ensuit pas que la France pourrait être noire.
C’est cette conclusion que veut tirer le parti progressiste, et c’est cette
conclusion que refusent, en définitive, la plupart de ceux qui ont été choqués
par le choix d’une jeune métisse pour figurer Jeanne d’Arc.
Continuons à progresser pas à
pas.
Premier point : oui,
contrairement à ce qu’il nous est enjoint aujourd’hui d’affirmer publiquement, les
races existent.
Depuis des temps immémoriaux les
hommes ont reconnu que l’espèce humaine se subdivisait en races, c’est-à-dire
en vastes sous-ensembles d’individus présentant des caractères héréditaires
communs, exactement de la même manière que les espèces animales se subdivisent
en sous-groupes aux caractéristiques héréditaires communes. Ils l’ont reconnu
car ils ne pouvaient pas ne pas le reconnaître, exactement de la même manière
qu’ils ne pouvaient pas ne pas reconnaître que l’espèce canine, par exemple,
regroupe un grand nombre de races de chiens différentes. L’existence des races
humaines, au sens relativement imprécis que le sens commun prête à ce terme,
n’a donc jamais sérieusement pu être mise en doute, et les plus grands savants
n’ont pas hésité à se servir de cette notion pour essayer de la raffiner et de
mieux délimiter ce que nous percevons tous spontanément mais relativement
grossièrement. Bien mieux, la science moderne apporte sans cesse de nouvelles
preuves du bien-fondé de cette catégorie de sens commun, à peu près aussi
vieille que l’humanité elle-même. Le récent décryptage du génome humain nous
permet ainsi d’affirmer que, contrairement à la vérité officielle sur la
question, la notion de race a bien un fondement biologique : les différentes
races, celles dont parlait Linné, correspondent à des variations réelles au
sein de ce génome.
En un sens, bien entendu, tous
les hommes sont uniques, y compris au niveau génétique, mais les génomes des
individus présentent des ressemblances plus ou moins grandes. Il est possible
de déterminer ces ressemblances et ainsi de regrouper les individus en fonction
de leur fréquence allélique. Les groupements génétiques les plus basiques
correspondent aux races des cinq continents, celles qui sont immédiatement
identifiables à l’œil nu : les Africains, les Caucasiens (Europe et
Moyen-Orient), les Asiatiques, les Aborigènes (Australie et Nouvelle-Guinée),
et les Indiens d’Amérique. Le décryptage du génome humain a tout simplement
ressuscité les catégories raciales traditionnelles.
L’existence de races, ou de
sous-espèces, différentes au sein de l’espèce humaine est d’ailleurs tout à
fait conforme à la théorie darwinienne la plus orthodoxe. L’évolution a très
normalement amené une différenciation de l’espèce humaine en races, qui se
distinguent par un ensemble de caractères, dont certains sont très visibles,
comme la couleur de la peau, la dentition, la forme du crâne, la texture des
cheveux, etc. et dont d’autres le sont moins. Au total, on estime aujourd’hui
que les variations raciales porteraient sur 15% du génome humain. Autrement dit
l’évolution aurait affecté 15% du génome initial d’Homo Sapiens pour donner naissance aux différentes races. 15% est
une proportion loin d’être négligeable, ne serait-ce que parce ces différences
génétiques sont souvent corrélées entre elles.
Je ne m’attarde pas davantage sur
ce point, que j’ai déjà traité plus longuement ailleurs.
Second point : il n’est pas
encore définitivement prouvé mais il est hautement probable, pour dire le moins, que les différences
raciales ne sont pas seulement physiques, mais aussi comportementales.
On pensera bien sûr, par exemple,
à la question du QI. Il est désormais bien connu, bien qu’il soit hautement
dangereux de l’évoquer publiquement, que les tests de QI donnent des résultats
différents suivants les groupes raciaux. Pour le dire très rapidement, les
Blancs ont un QI moyen supérieur à celui des Noirs, et inférieur à celui des
Asiatiques (les « Jaunes »). Or le QI joue un rôle très important
dans quantité de comportements et de situations.
La recherche génétique est bien
avancée sur la voie d’autres différences, comme par exemple l’impulsivité et la
propension à la violence, différences qui pourraient nous aider à comprendre
pourquoi le taux d’homicide est significativement plus élevé dans les pays
sub-saharien qu’en Europe ou en Asie, de même que le taux d’homicide est
beaucoup plus élevé dans les Antilles françaises qu’en métropole, beaucoup plus
élevé au sein de la population noire américaine qu’au sein de la population blanche
et de la population asiatique, y compris à statut socio-économique équivalent,
et ainsi de suite.
Troisième point, si les
différences raciales existent, cela signifie que des groupes raciaux différents
ont toute chance de développer des cultures et des civilisations différentes,
toutes choses égales par ailleurs. La race fait partie de ces nombreux éléments
qui contribuent à expliquer les caractères de peuples et les traits distinctifs
des civilisations.
Il n’est pas besoin de supposer
que ces différences soient grandes pour qu’elles puissent avoir, sur le temps
long, de grands effets, de la même manière qu’une différence de quelques
centimètres dans la visée de deux tireurs se traduira par un très grand écart à
l’arrivée si la cible est à une grande distance.
Ce qui signifie tout simplement
que le général de Gaulle avait raison lorsqu’il affirmait : « C’est très
bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns.
Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une
vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité.
Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un
peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion
chrétienne. »
De la même manière qu’une
« France » hindoue ou musulmane aurait été entièrement différente de
ce que nous appelons la France, une « France » peuplée de Noirs ou
d’Asiatiques aurait été entièrement différente. Ce n’aurait pas été la France,
ce corps politique unique, aux traits reconnaissables par-delà de constants
changements, depuis peut-être mille ans. C’eut été autre chose. Un autre corps
politique. Un autre pays.
Et cela signifie aussi que la
modification très rapide de la composition de la population qui vit sur le sol
français, et à laquelle nous assistons depuis demi-siècle, n’est pas du tout
indifférente. Contrairement à ce qu’affirme le parti du progrès, il n’est pas
possible d’avoir le même pays avec un peuple différent.
Le jour où – et du train où vont
les choses, ce jour pourrait être prochain – les individus « de race
blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne » auront
cessé d’être numériquement très majoritaires sur le sol de France, la France
n’aura pas simplement changé, elle aura disparu. Ce sera un autre corps
politique occupant le même territoire. Ce ne sera plus la France.
A la fin du second tome de De la démocratie en Amérique,
Tocqueville écrivait :
« Je n’ignore pas que
plusieurs de mes contemporains ont pensé que les peuples ne sont jamais ici-bas
maîtres d’eux-mêmes, et qu’ils obéissent nécessairement à je ne sais quelle
force insurmontable et inintelligente qui naît des évènements antérieurs, de la
race, du sol ou du climat.
Ce sont là de fausses et lâches
doctrines, qui ne sauraient jamais produire que des hommes faibles et des
nations pusillanimes : la Providence n’a créé le genre humain ni
entièrement indépendant, ni tout à fait esclave. Elle trace, il est vrai,
autour de chaque homme, un cercle fatal dont il ne peut sortir ; mais,
dans ses vastes limites, l’homme est puissant et libre ; ainsi des
peuples. »
Le racisme, entendu au sens
strict, c’est-à-dire la tentative d’établir une hiérarchie objective, «
scientifiquement fondée », entre les différentes races ainsi que de faire de la
race la réalité fondamentale de la vie humaine, conditionnant et expliquant
toutes les autres, est une de ces doctrines « fausses et lâches ». En
tant que matérialisme il est une erreur intellectuelle, en tant que fatalisme
il est une erreur politique et une faute morale.
Mais reconnaitre cette erreur ne
doit nous empêcher de reconnaitre aussi que les races existent. Elles sont l’un
des éléments, parmi beaucoup d’autres, qui composent le cercle
« fatal » à l’intérieur duquel les individus et les peuples sont
« puissants et libres ». Exactement de la même manière, par exemple, et
pour rester dans le domaine des différences naturelles, que la différence des
sexes.
Hommes et femmes, pris
individuellement, peuvent être beaucoup de choses, et les variations entre
individus sont telles qu’il est presque impossible d’affirmer catégoriquement
que telle activité ou telle réalisation restera toujours la prérogative
exclusive d’un sexe. Mais pris en tant que groupes, hommes et femmes présentent
des propensions et des qualités différentes, de sorte qu’il est vain, et même
tyrannique, d’attendre une répartition égale des sexes dans les différentes
activités humaines et des réalisations identiques. Ainsi en est-il, selon toute
vraisemblance, des différences raciales.
Si nous revenons maintenant à
notre problème initial, il nous faut donc conclure que, oui, une jeune fille
noire peut personnifier Jeanne d’Arc lors d’une célébration, mais que, non,
Jeanne d’Arc n’aurait pas pu être noire.